Le dangereux jeune homme | Page 2

René Boylesve
mangeait rationnellement; tout le monde jouait au tennis, au golf, fr��quentait les courses, ��tait assidu au Stade de la Palestre, dansait �� qui mieux mieux, montait �� cheval, conduisait une auto, faisait en a��roplane des randonn��es d��licieuses et qui laissaient sur le pays entier l'odeur ��coeurante de l'huile de ricin.
Au casino du lieu, c'��tait le d��lire. Une bande de n��grillons ��chapp��s du Texas, ayant le diable au corps et, dans les globules du sang, le g��nie du rythme, formait un orchestre de cauchemar, au bruit duquel tr��pidaient sur leurs bases les colonnes m��mes de l'��tablissement. Enfants, fillettes, femmes et grand'm��res, emport��s par l'irr��sistible puissance de la mesure bien frapp��e et par le cyclone de l'exemple, tournoyaient, se tr��moussaient, pi��tinaient, se d��sarticulaient, agglutin��s deux par deux, comme les feuilles d'or qu'unit jusque dans la rafale l'humidit�� des sous-bois.
De tout cela, Robert s'accommodait; et, s'il adoptait la plan��te et le jeu nouveaux, il fallait le demander aux lettres adress��es par lui en toute candeur aux vieux parents de Grenoble!
D��j�� ces bonnes gens avaient ��crit �� leur fille, alarm��s au possible, et avaient adress�� �� Robert des sermons auxquels le jeune homme, occup�� �� jouer, ne comprenait rien, et qu'il ne cherchait m��me plus �� d��chiffrer.
Mais M. Carr�� de la Tour disait �� la soeur de Robert:
--Ne t'ai-je pas avertie? Ton fr��re, en racontant au loin des choses pour lui neuves, fournit l'occasion d'interpr��tations erron��es et facheuses. Il faut ��tre bon joueur pour bien juger du jeu. Robert fait ses d��buts... Gare �� nous!...
* * * * *
Il va de soi que, malgr�� une franche camaraderie avec toutes les jeunes filles, Robert en avait distingu�� une, qui ��tait devenue son flirt. Il la trouvait admirable. S'il l'e?t connue dans les montagnes du Dauphin��, il e?t con?u pour elle une passion romanesque et souhait�� de l'aimer ��ternellement, apr��s s'��tre attach�� �� elle par les liens indissolubles du mariage. Mais, �� Folleville, il n'avait pas le temps d'en penser si long. Pris dans un courant qu'il jugeait lui-m��me rapide, d��s le lendemain de son arriv��e il appelait cette jeune fille Gis��le, comme elle-m��me le nommait Robert; il marchait avec elle le long des rues, il nageait c?te �� c?te avec elle, en maillot tout comme elle; et, ��crivant �� Grenoble, il parlait �� ses parents de Gis��le, tout court; de telle sorte que ces bonnes gens, d'un autre monde, se demandaient ou si leur fils ��tait fou, ou s'il ne s'��tait pas li�� avec quelque cr��ature de qui il ��tait, par ailleurs, inconcevable qu'il les entret?nt.
Aussi en ��crivirent-ils, de plus en plus inquiets, �� leur fille qui, elle, avait d��j�� perdu tout penchant pessimiste et leur r��pondait: ?Mais soyez donc tranquilles, la sant�� est excellente: tout va bien.?
Cependant Robert s'��tait fait, �� plusieurs reprises, remettre �� sa place par Gis��le, �� qui il parlait sans plus de retenue qu'il n'en employait en chacune de ses actions �� Folleville.
--Oh! Robert, lui disait-elle, parlez plut?t anglais!
--Pourquoi? faisait Robert, ahuri.
--Parce que, dans cette langue, au moins, vous ne connaissez pas tous les termes...
Robert commen?ait �� ��prouver de l'embarras. Mais, comme sa nature n'��tait pas compliqu��e et que la fougue de son age emportait tout le reste, il laissa sans vergogne s'envoler le reste, et demeura avec sa fougue.
Nul n'imagine qu'�� la villa Mond��sir quelqu'un p?t venir au secours d'un jeune homme incertain. A Mond��sir, on parlait jeux, danses et sports. Cela remplit tr��s bien les intervalles du temps pendant lesquels on se repose de la fatigue des sports. Et celui qui se f?t avis��, dans la conversation, d'intercaler un terme d'ordre moral, e?t ��t�� aussi ant��diluvien que les parents de Grenoble.
* * * * *
Aussi, l'innocent Robert ne crut-il manquer �� aucune r��gle de sport, un soir, apr��s avoir dans�� �� perdre haleine, en se pr��sentant, comme il en avait le go?t tr��s net, �� la porte de la chambre o�� couchait Gis��le. Il avait conserv�� son smoking.
Il frappa.
On r��pondit de l'int��rieur, sans m��fiance:
--Entrez!
Et il entra.
Il n'eut pas le temps de remarquer si Gis��le ��tait en train de faire sa toilette ou bien non; ou, plut?t, il s'aper?ut qu'elle n'��tait pas ��loign��e de son pot �� eau, car il re?ut le contenu de celui-ci en plein visage. Et l'eau d��goulina, et inonda son beau plastron empes�� et la soie des noirs revers.
Gis��le se tordait de joie �� le voir ainsi fait.
--Mais, Gis��le, disait Robert, sous son eau, ce n'est pas gentil. Je croyais que vous m'aimiez!...
--Possible, disait Gis��le, mais je n'aimerai certainement pas un loufoque! Allez, ouste! Vous ne voyez pas que vous mouillez tout chez moi?
Robert ne comprenait pas plus son ridicule que son erreur:
--Mais, enfin! disait-il. Je vous aime, moi! Et qu'ai-je fait?
--Mon petit, vous avez fait ce qui ne se fait pas.
* * * * *
Ah! pensa Robert, jet�� dehors par un coup de poing
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