Le Négrier, Vol. IV

Édouard Corbière
Le Négrier, Vol. IV

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Title: Le Négrier, Vol. IV Aventures de mer
Author: Édouard Corbière
Release Date: February 8, 2006 [EBook #17717]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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NÉGRIER, VOL. IV ***

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LE NÉGRIER
AVENTURES DE MER.

PAR
ÉDOUARD CORBIÈRE DE BREST.
DEUXIÈME ÉDITION
VOLUME IV

PARIS, A.-J. DÉNAIN ET DELAMARE, ÉDITEURS DE
L'HISTOIRE DE L'EXPÉDITION FRANÇAISE EN ÉGYPTE 16.
RUE VIVIENNE.
1854

13.
DÉVOUEMENT DE ROSALIE.
La fièvre jaune.--Soins de Rosalie.--Commerce.--Chute du
gouvernement impérial.
Mon affaissement moral, le dégoût de la vie, des nuits sans sommeil et
des jours accablans allumèrent bientôt; dans mon sang irrité cette
affreuse maladie que les affections de l'âme tendent surtout à
développer dans ces climats funeste.
Je vis arriver la fièvre jaune sans effroi. A la nouvelle de mon
indisposition, le médecin qui avait donné ses soins à Ivon accourut près
de moi, malgré le nombre excessif des malades entre lesquels il se
partageait.
--Eh bien! qu'avons-nous donc, Léonard? Est-ce que nous aurions envie
d'être malade?
--Docteur, je crois que me voilà pris à mon tour.

--Voyons votre pouls.... Vous vous sentez des douleurs aux reins, un
grand mai de tête, une débilité générale?
--Oui, je me sens tout cela, et je m'en moque.
--Et vous avez raison; car votre état n'a rien de bien inquiétant encore,
et c'est déjà fort bon signe que vous ne vous en alarmiez pas.
--M'alarmer! et pourquoi, s'il vous plaît? Ne faut-il pas mourir tôt ou
tard? J'avais bien quelques petits projets en tête: des courses, des
aventures à chercher, des mers à battre par-ci par-là; mais, s'il faut
renoncer à toutes ces belles idées, mon parti sera bientôt pris, allez!
Emparez-vous de mon individu, je vous l'abandonne. Taillez-le,
saignez-le, couvrez-le d'emplâtres et de sangsues, si bon vous semble
cela ne me regarde plus. Bien portant, je suis tout à moi; malade, je
vous appartiens.
* * * * *
Je me couchai. Des mulâtresses du voisinage entourèrent aussitôt mon
lit, et commencèrent par me frotter, de la tête aux pieds, avec des
citrons macérés. Dans la nuit, je perdis l'usage de ma raison.
Trois ou quatre jours se passèrent sans que je pusse recouvrer un seul
moment lucide. Mes yeux, à travers le nuage qui les fatiguait, voyaient
bien des femmes, un homme noir errer autour de moi; mais tous les
objets me paraissaient renversés, et je ne les apercevais que comme ces
fantômes que J'imagination effrayée se crée dans un songe pénible. Les
souvenirs qui m'étaient le plus chers se reproduisaient quelquefois à
mon esprit, dans ces momens d'exaltation cérébrale. Je nommais, je
voyais mon frère, ma mère, Ivon et Rosalie: quelquefois il me semblait
leur parler, les entendre, et sentir ma bouche desséchée se contracter
sous celle de la seule femme que j'eusse aimée. Ma main fébrile
cherchait la sienne pour se reposer, et quand je croyais l'avoir saisie, je
me trouvais plus tranquille; alors je me figurais entendre, j'entendais
même la voix de mon amie, cette voix si douce qui tant de fois avait
porté le calme dans mon coeur et l'ivresse dans mes sens captivés....
Comme ces illusions du délire allégeaient mes souffrances! Je me

rappelle encore combien, dans ces paroxysmes brûlans dont j'ai gardé
le souvenir, comme on conserve l'impression d'un rêve, ces chimères de
mon imagination me procuraient de soulagement jusque dans l'excès
des douleurs les plus poignantes.
Une nuit, vers l'heure où l'approche du matin rend l'air moins suffocant
dans l'atmosphère chaude et humide de l'hivernage, je me réveillai
après avoir goûté pour la première fois quelques instans de sommeil. Il
me sembla avoir recouvré l'usage de mes sens affaiblis et égarés par
mes longues douleurs. J'entendais le bruit de la mer qui venait, avec
régularité, battre le rivage voisin de ma maison, et le tonnerre gronder
au loin, en s'éteignant, comme après un moment d'orage. Une lampe,
placée dans le fond de l'appartement, jetait par intervalles sa lueur
mourante sur la figure de deux mulâtresses endormies près d'une table
couverte de fioles et de vases blancs. En cherchant à soulever
péniblement un de mes bras, je sentis une figure appuyée sur ma main.
C'était une femme!... Au mouvement que je fais pour dégager mon bras,
cette tête se relève, et je vois Rosalie!
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