La vie et la mort du roi Richard II | Page 2

William Shakespeare
un esprit tout diff��rent. Quelques-uns des partisans du comte d'Essex, le jour qui pr��c��da son extravagante tentative, voulurent faire jouer une trag��die o��, comme dans celle de Shakspeare, on voyait Richard II d��pos�� et tu�� sur le th��atre. Les acteurs leur ayant repr��sent�� que la pi��ce ��tait tout �� fait hors de mode et ne leur attirerait pas assez de monde pour couvrir leurs frais, sir Gilly Merrick, l'un d'entre eux, leur donna quarante shillings en sus de la recette. Ce fait est rapport�� au proc��s de sir Gilly, et servit �� sa condamnation.
L'entreprise du comte d'Essex eut lieu en 1601, et la pi��ce de Shakspeare avait paru, �� ce qu'on croit, d��s l'an 1597. Malgr�� cette ant��riorit��, personne ne sera tent�� de soup?onner qu'une pi��ce de Shakspeare ait pu figurer dans une entreprise factieuse contre ��lisabeth. D'ailleurs la pi��ce en question para?t avoir ��t�� connue sous le titre de Henri IV, non sous celui de Richard II; et l'on est m��me fond�� �� croire que l'histoire de Henri IV en ��tait le v��ritable sujet, et la mort de Richard seulement un incident. Mais, pour lever toute esp��ce de doute, il suffit de lire la trag��die de Shakspeare; la doctrine du droit divin y est sans cesse pr��sent��e accompagn��e de cet int��r��t que font na?tre le malheur et le spectacle de la grandeur d��chue. Si le po?te n'a pas donn�� �� l'usurpateur cette physionomie odieuse qui produit la haine et les passions dramatiques, il suffit de lire l'histoire pour en comprendre la cause.
Ce n'est pas un fait particulier �� Richard II et �� sa destin��e, dans l'histoire de ces temps d��sastreux, que ce vague de l'aspect moral sous lequel se pr��sentent les hommes et les choses, et qui ne permet aux sentiments de s'attacher �� rien avec ��nergie, parce qu'ils ne peuvent se reposer sur rien avec satisfaction. Des partis toujours aux prises pour s'arracher le pouvoir, tour �� tour vaincus et m��ritant leur d��faite, sans que jamais un seul ait m��rit�� la victoire, n'offrent pas un spectacle tr��s-dramatique, ni tr��s-propre �� porter nos sentiments et nos facult��s �� ce degr�� d'exaltation qui est un des plus nobles buts de l'art. La piti�� y manque souvent �� l'indignation, et l'estime presque toujours �� la piti��. On n'est pas embarrass�� �� trouver les crimes du plus fort, mais on cherche avec anxi��t�� les vertus du plus faible: et le m��me effet se reproduit dans le sens contraire: des folies, des d��pr��dations, des injustices, des violences ont amen�� la chute de Richard, l'ont rendue in��vitable, et elles nous d��tachent de lui sous ce double rapport que nous le voyons se perdre lui-m��me et impossible �� sauver. Cependant il serait ais�� de trouver au moins autant de crimes dans le parti qui triomphe de son abaissement. Shakspeare pourrait, �� peu de frais, amasser contre les rebelles des tr��sors d'indignation qui soul��veraient tous les coeurs en faveur du souverain l��gitime: mais un des principaux caract��res du g��nie de Shakspeare, c'est une v��rit��, on peut dire une fid��lit�� d'observation qui reproduit la nature comme elle est, et le temps comme il se pr��sente: celui-l�� ne lui offrait ni h��ros sup��rieurs �� leur fortune, ni victimes innocentes, ni d��vouements h��ro?ques, ni passions imposantes; il n'y trouvait que la force m��me des caract��res employ��e au service des int��r��ts qui les rabaissent, la perfidie consid��r��e comme moyen de conduite, la trahison presque justifi��e par le principe dominant de l'int��r��t personnel, la d��sertion presque l��gitim��e par la consid��ration du p��ril que l'on courrait �� demeurer fid��le; c'est aussi l�� tout ce qu'il a peint. C'est, �� la v��rit��, le duc d'York, personnage dont l'histoire nous fait conna?tre l'incapacit�� et la nullit��, qu'il a choisi pour repr��senter ce d��vouement toujours si ardent pour l'homme qui gouverne, cette facilit�� �� transmettre son culte du pouvoir de droit au pouvoir de fait, et vice versa, se r��servant, seulement pour son honneur, des larmes solitaires en faveur de celui qu'il abandonne. Pour quiconque n'a pas vu la fortune se jouant avec les empires, ce personnage ne serait que comique; mais pour qui a assist�� �� de pareils jeux, n'est-il pas d'une effrayante v��rit��?
Dans un pareil entourage, o�� Shakspeare pouvait-il puiser ce path��tique qu'il aurait aim�� �� r��pandre sur le spectacle de la grandeur d��chue? Lui qui a donn�� au vieux Lear, dans sa mis��re, tant de nobles et fid��les amis, il n'en a pu trouver un seul �� Richard; le roi est tomb�� d��pouill��, nu, entre les mains du po?te comme de son tr?ne, et c'est en lui seul que le po?te a ��t�� oblig�� de chercher toutes les ressources: aussi le r?le de Richard II est-il une des plus profondes conceptions de Shakspeare.
Les commentateurs sont en grande discussion pour savoir si c'est �� la cour de Jacques ou �� celle d'��lisabeth que
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