La philosophie sociale dans le theatre dIbsen | Page 2

Ossip-Lourie
sont des pens��es vivantes?[7] affirme l'un des plus nobles penseurs modernes.
Nous sommes loin des temps o�� la philosophie ��tait le domaine d'une poign��e de privil��gi��s. Aujourd'hui nous admettons qu'il n'y a point de castes dans l'intelligence humaine. ?Il n'y a point des hommes qui sont le vulgaire, d'autres hommes qui sont les philosophes. Tout homme porte en lui-m��me le vulgaire et le philosophe.?[8]
La philosophie n'est pas le fruit d'un syllogisme. Il ne faut faire d��pendre la philosophie d'aucun syst��me, d'aucune m��thode.
?Mon dessein, dit Descartes, n'est pas d'enseigner la m��thode que chacun doit suivre pour bien conduire sa raison, mais seulement de faire voir en quelle sorte j'ai tach�� de conduire la mienne.?[9]
La philosophie n'existe et ne se d��veloppe que dans l'esprit de l'homme. Les id��es les plus profondes, les investigations les plus sens��es resteraient lettre morte sans la vivification que leur communique l'esprit du penseur. C'est lui seul qui cr��e la valeur des id��es philosophiques. La philosophie n'est que la manifestation de l'esprit ind��pendant, aspirant �� se faire--par la critique g��n��rale--une conception personnelle de l'Univers.
Ibsen nous montre, dans son th��atre, quelle est sa contemplation du Monde, comment il envisage les hommes et les choses, quel est l'enseignement qu'il tire de la vie, car c'est la vie seule qui l'int��resse; ce qui le pr��occupe, c'est l'��ternelle contradiction de la vie, c'est la lutte entre l'id��al et le r��el.
?Quel est le p��ch�� qui m��rite l'indulgence? Quelle est la faute qu'on peut doucement effacer? Jusqu'�� quel point la responsabilit��, cette charge qui p��se sur la race enti��re, ob��re-t-elle le lot d'un de ses rejetons? Quelle d��position, quel t��moignage admettre quand tout le monde est au banc des int��ress��s? Sombre et troublant myst��re, qui pourra jamais t'��claircir! Toutes les ames devraient trembler et g��mir, et il n'en est pas une entre mille qui se doute de la dette accumul��e, de l'engagement ��crasant n�� de ce seul petit mot: la Vie.?[10]

II
Le th��atre est un art qui se propose de peindre la vie humaine.
Ibsen ne se borne pas �� peindre la vie et les hommes, il est aussi un remueur d'id��es.
Dans une lettre qu'il m'a fait l'honneur de m'adresser, il s'exprime ainsi: ?Je vous prie de vous rappeler que les Pens��es jet��es par moi sur le papier ne proviennent ni en forme ni en contenu de moi-m��me, mais de mes personnages dramatiques qui les prononcent.?[11]
Mais Ibsen a beau dire: ?J'ai essay�� de d��peindre hommes et femmes; ce sont eux qui parlent et non pas moi?, son ame et sa pens��e sont toujours pr��sentes dans son th��atre. Aucun auteur ne peut faire dispara?tre sa personnalit�� de son oeuvre.
?Je ne connais pas d'��crivain moderne qui ait pu ou su ?se cacher? dans son oeuvre; Flaubert qui poussait presque jusqu'�� la manie le souci de r��server sa personnalit��, y est tout entier.... Dans les oeuvres, en apparence impersonnelles, on peut d��couvrir les raisons intimes des pr��f��rences de l'auteur, les motifs pour lesquels entre les mots du discours, il choisit ceux-ci plut?t que ceux-l��.?[12]
Certes, Ibsen est avant tout artiste, po��te, mais ?le po��te est un monde enferm�� dans un homme.?[13] Le monde dont le po��te nous pr��sente les types, se condense en se r��fl��chissant dans sa pens��e; il emprunte la marque particuli��re de son moi et sa physionomie en devient plus saillante. L'artiste, pur artiste, le po��te, exclusivement po��te, ne se rendant aucun compte de lui-m��me �� lui-m��me, incapable d'analyser le monde qu'il peint, ses pens��es, ses id��es, est un ��tre chim��rique.... Il y a longtemps qu'on ne croit plus �� ce La Fontaine dont on disait autrefois qu'il produisait des fables comme les pommiers produisent des pommes, c'est-��-dire sans effort et par le seul penchant de la nature. Le Lac immortel de Lamartine n'est point sorti du cerveau du po��te comme V��nus de l'��cume des mers.
L'inspiration ne dispense pas les po��tes les plus na?fs d'un travail de la pens��e. Platon qui dit: ?Quand le po��te est assis sur le tr��pied de la muse, il n'est plus ma?tre de lui-m��me?, Platon ajoute: ?Lorsque le po��te chante, les graces et les Muses lui r��v��lent souvent la V��rit��.?[14] Graces ou Muses, conscience int��rieure ou analyse de l'esprit, le fait est que l'artiste, le po��te sait et comprend ce qu'il fait; ?la v��rit�� se r��v��le �� lui?.
Le po��te qui chante la grandeur de l'Univers poss��de sa mani��re de le comprendre; l'homme qui d��peint les crises de la conscience humaine, en poss��de certainement une; celui qui nous pr��sente le caract��re de deux individus peut ne pas nous dire o�� vont ses sympathies; il lui est impossible de ne pas le faire voir.
Ibsen a beau dire: ?Ai-je r��ussi �� faire une bonne pi��ce et des personnages vivants? Voil�� la grande question?,[15] son ame et sa pens��e, je le r��p��te, sont pr��sentes dans son oeuvre, et son esprit aussi.
Ibsen ne fait que philosopher. Il serait peut-��tre
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