La petite roque

Guy de Maupassant

La petite roque, by Guy de Maupassant

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Title: La petite roque
Author: Guy de Maupassant
Release Date: May 8, 2006 [EBook #18353]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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GUY DE MAUPASSANT
LA PETITE ROQUE
Nouvelle édition Revue
PARIS
PAUL OLLENDORFF, éDITEUR
28 bis, RUE DE RICHELIEU, 28 bis
1896

LA PETITE ROQUE
I
Le piéton Médéric Rompel, que les gens du pays appelaient familièrement Méderi, partit à l'heure ordinaire de la maison de poste de Roüy-le-Tors. Ayant traversé la petite ville de son grand pas d'ancien troupier, il coupa d'abord les prairies de Villaumes pour gagner le bord de la Brindille, qui le conduisait, en suivant l'eau, au village de Carvelin, où commen?ait sa distribution.
Il allait vite, le long de l'étroite rivière qui moussait, grognait, bouillonnait et filait dans son lit d'herbes, sous une vo?te de saules. Les grosses pierres, arrêtant le cours, avaient autour d'elles un bourrelet d'eau, une sorte de cravate terminée en noeud d'écume. Par places, c'étaient des cascades d'un pied, souvent invisibles, qui faisaient, sous les feuilles, sous les lianes, sous un toit de verdure, un gros bruit colère et doux; puis plus loin, les berges s'élargissant, on rencontrait un petit lac paisible où nageaient des truites parmi toute cette chevelure verte qui ondoie au fond des ruisseaux calmes.
Médéric allait toujours, sans rien voir, et ne songeant qu'à ceci: ?Ma première lettre est pour la maison Poivron, puis j'en ai une pour M. Renardet; faut donc que je traverse la futaie.?
Sa blouse bleue serrée à la taille par une ceinture de cuir noir passait d'un train rapide et régulier sur la haie verte des saules; et sa canne, un fort baton de houx, marchait à son c?té du même mouvement que ses jambes.
Donc, il franchit la Brindille sur un pont fait d'un seul arbre, jeté d'un bord à l'autre, ayant pour unique rampe une corde portée par deux piquets enfoncés dans les berges.
La futaie, appartenant à M. Renardet, maire de Carvelin, et le plus gros propriétaire du lieu, était une sorte de bois d'arbres antiques, énormes, droits comme des colonnes, et s'étendant, sur une demi-lieue de longueur, sur la rive gauche du ruisseau qui servait de limite à cette immense vo?te de feuillage. Le long de l'eau, de grands arbustes avaient poussé, chauffés par le soleil; mais sous la futaie, on ne trouvait rien que de la mousse, de la mousse épaisse, douce et molle, qui répandait dans l'air stagnant une odeur légère de moisi et de branches mortes.
Médéric ralentit le pas, ?ta son képi noir orné d'un galon rouge et s'essuya le front, car il faisait déjà chaud dans les prairies, bien qu'il ne f?t pas encore huit heures du matin.
Il venait de se recouvrir et de reprendre son pas accéléré quand il aper?ut, au pied d'un arbre, un couteau, un petit couteau d'enfant. Comme il le ramassait, il découvrit encore un dé à coudre, puis un étui à aiguilles deux pas plus loin.
Ayant pris ces objets, il pensa: ?Je vas les confier à M. le maire?; et il se remit en route; mais il ouvrait l'oeil à présent, s'attendant toujours à trouver autre chose.
Soudain, il s'arrêta net, comme s'il se f?t heurté contre une barre de bois; car, à dix pas devant lui, gisait, étendu sur le dos, un corps d'enfant, tout nu, sur la mousse. C'était une petite fille d'une douzaine d'années. Elle avait les bras ouverts, les jambes écartées, la face couverte d'un mouchoir. Un peu de sang maculait ses cuisses.
Médéric se mit à avancer sur la pointe des pieds, comme s'il e?t craint de faire du bruit, redouté quelque danger; et il écarquillait les yeux.
Qu'était-ce que cela? Elle dormait, sans doute? Puis il réfléchit qu'on ne dort pas ainsi tout nu, à sept heures et demie du matin, sous des arbres frais. Alors elle était morte; et il se trouvait en présence d'un crime. A cette idée, un frisson froid lui courut dans les reins, bien qu'il f?t un ancien soldat. Et puis c'était chose si rare dans le pays, un meurtre, et le meurtre d'une enfant encore, qu'il n'en pouvait croire ses yeux. Mais elle ne portait aucune blessure, rien que ce sang figé sur sa jambe. Comment donc l'avait-on tuée?
Il s'était arrêté tout près d'elle; et il la regardait, appuyé sur son baton. Certes, il la connaissait, puisqu'il connaissait tous
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