La main froide

Fortuné Du Boisgobey
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La main froide

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Title: La main froide
Author: Fortuné Du Boisgobey
Release Date: February 10, 2006 [EBook #17747]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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FORTUNé DU BOISGOBEY
LA MAIN FROIDE
TROISIèME éDITION
ERNEST KOLB, éDITEUR

I
Le vieux quartier Latin a disparu avec la dernière grisette.
Le temps n'est plus où les étudiants tenaient à honneur de ne jamais quitter la rive gauche. Maintenant, ils passent volontiers les ponts et ils se répandent sur les grands boulevards, comme ils les appellent, pour les distinguer du boulevard Saint-Michel qu'ils nomment familièrement le Boul'Mich'.
Quelques-uns même demeurent de l'autre c?té de l'eau et viennent aux cours, en voiture,--quand ils y viennent.
Pourtant, sur les hauteurs de la montagne Sainte-Geneviève, on trouverait encore, en cherchant bien, des représentants d'un autre age, des attardés fidèles à la tenue et aux moeurs de leurs devanciers.
Ceux-là arborent des coiffures étranges, fument la pipe en buvant des bocks devant les cafés de la rue Soufflot, font queue au théatre de Cluny, dansent à la Closerie des Lilas et croient fermement que l'univers finit au petit bras de la Seine.
Ces convaincus sont rares; si rares que, l'année dernière, on en comptait jusqu'à deux que les nouveaux venus se montraient comme des phénomènes.
Encore se distinguaient-ils des étudiants d'autrefois en ce point qu'ils avaient tous les deux de la fortune et qu'il n'aurait tenu qu'à eux de mener une autre existence.
C'était par vocation qu'ils vivaient de la vie du quartier. L'un des deux était même assez riche et assez bien apparenté pour faire bonne figure ailleurs.
Il s'appelait Jean de Mirande et, à sa majorité, il était entré en possession d'une vingtaine de mille francs de rentes, sans compter la perspective d'hériter plus tard d'un oncle millionnaire et célibataire qui avait été son tuteur.
Il est vrai qu'il ne comptait guère sur cette succession, car le susdit oncle était solide comme le pont du Gard, bati par les Romains, et de plus, complètement brouillé avec son neveu, depuis que ce neveu s'était avisé de déroger aux traditions de ses nobles a?eux en s'enr?lant dans la bohème scolaire.
Le Pylade de cet Oreste du pays Latin ne descendait pas des Croisés et même il ne sortait pas, comme on dit vulgairement, de la cuisse de Jupiter.
Sa mère, veuve d'un facteur aux Halles, avait amassé une très honnête aisance en vendant des primeurs, à la pointe Saint-Eustache, et servait une pension de six cents francs par mois à son unique rejeton qu'elle ne voyait pas souvent, car elle demeurait rue des Tournelles, au Marais, et Paul ne s'éloignait guère du Panthéon.
Les deux amis ne se ressemblaient pas du tout. Jean était brun, grand, large d'épaules. Il aurait fait un superbe cuirassier et il était fier de sa taille et de sa force.
Paul, blond, mince et délicat, avait un peu l'air d'une demoiselle.
Jean aimait les aventures tapageuses, les assauts de beuverie et les conquêtes à la hussarde. Rageur et querelleur avec cela, il ne parlait que de pourfendre et il pourfendait... quelquefois.
Paul, qui pourtant n'était pas poltron, préférait aux batailles de brasseries les promenades sentimentales sous les arbres de l'avenue de l'Observatoire.
Mais ses go?ts paisibles ne l'empêchaient pas d'être de toutes les joyeuses parties arrangées par le turbulent Jean de Mirande.
Ils s'étaient liés en vertu d'une loi naturelle à laquelle nous obéissons tous--l'instinct qui nous pousse à fusionner les races--et aussi parce que Jean avait, un soir, énergiquement et victorieusement défendu Paul Cormier, assailli par une bande de messieurs à accroche-coeurs, venus de la rive droite pour envahir le bal Bullier.
Et, dernier contraste entre ces inséparables, Jean, dont les ancêtres auraient pu monter dans les carrosses du Roi, Jean donnait dans les idées nouvelles. Il allait jusqu'au nihilisme, inclusivement--tandis que Paul, fils de commer?ants, prétendait regretter l'ancien régime.
Paul aurait donné dix ans de sa vie pour être aimé d'une duchesse. Jean, lui, s'accommodait fort bien des petites ouvrières en rupture d'atelier et des chanteuses de cafés-concerts, dits Beuglants, qui constituent le fond du monde galant d'outre-Seine.
Eu quoi, il n'avait pas tout à fait tort, car il régnait sans partage sur le coeur de ces donzelles faciles, et Paul n'avait pas encore subjugué la moindre grande dame.
Paul aurait voulu que son ami le présentat dans les salons du noble faubourg où Jean de Mirande aurait pu être re?u, à cause de son nom et qu'il fuyait comme
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