La comtesse de Rudolstadt

George Sand
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La comtesse de Rudolstadt

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Title: La comtesse de Rudolstadt
Author: George Sand
Release Date: December 5, 2005 [EBook #17225]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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COMTESSE DE RUDOLSTADT ***

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(BnF/Gallica)

ÉDITION J. HETZEL, PARIS

LIBRAIRIE MARESCO ET Cie 6, RUE DU PONT-DE-LODI, PARIS
LIBRAIRIE BLANCHARD 78, RUE RICHELIEU, PARIS
1852

LA COMTESSE DE RUDOLSTADT
par George Sand

I.
La salle de l'Opéra italien de Berlin, bâtie durant les premières années
du règne de Frédéric le Grand, était alors une des plus belles de
l'Europe. L'entrée en était gratuite, le spectacle étant payé par le roi. Il
fallait néanmoins des billets pour y être admis, car toutes les loges
avaient leur destination fixe: ici les princes et princesses de la famille
royale; là le corps diplomatique, puis les voyageurs illustres, puis
l'Académie, ailleurs les généraux; enfin partout la famille du roi, la
maison du roi, les salariés du roi, les protégés du roi; et sans qu'on eût
lieu de s'en plaindre, puisque c'étaient le théâtre du roi et les comédiens
du roi. Restait, pour les bons habitants de la bonne ville de Berlin, une
petite partie du parterre; car la majeure partie était occupée par les
militaires, chaque régiment ayant le droit d'y envoyer un certain
nombre d'hommes par compagnie. Au lieu du peuple joyeux,
impressionnable et intelligent de Paris, les artistes avaient donc sous les
yeux un parterre de _héros de six pieds_, comme les appelait Voltaire,
coiffés de hauts bonnets, et la plupart surmontés de leurs femmes qu'ils
prenaient sur leurs épaules, le tout formant une société assez brutale,
sentant fort le tabac et l'eau-de-vie, ne comprenant rien de rien, ouvrant
de grands yeux, ne se permettant d'applaudir ni de siffler, par respect
pour la consigne, et faisant néanmoins beaucoup de bruit par son
mouvement perpétuel.
Il y avait infailliblement derrière ces messieurs deux rangs de loges

d'où les spectateurs ne voyaient et n'entendaient rien; mais, par
convenance, ils étaient forcés d'assister régulièrement au spectacle que
Sa Majesté avait la munificence de leur payer. Sa Majesté elle-même
ne manquait aucune représentation. C'était une manière de tenir
militairement sous ses yeux les nombreux membres de sa famille et
l'inquiète fourmilière de ses courtisans. Son père, le Gros-Guillaume,
lui avait donné cet exemple, dans une salle de planches mal jointes, où,
en présence de mauvais histrions allemands, la famille royale et la cour
se morfondaient douloureusement tous les soirs d'hiver, et recevaient la
pluie sans sourciller, tandis que le roi dormait. Frédéric avait souffert
de cette tyrannie domestique, il l'avait maudite, il l'avait subie, et il
l'avait bientôt remise en vigueur dès qu'il avait été maître à son tour,
ainsi que beaucoup d'autres coutumes beaucoup plus despotiques et
cruelles, dont il avait reconnu l'excellence depuis qu'il était le seul de
son royaume à n'en plus souffrir.
Cependant on n'osait se plaindre. Le local était superbe, l'Opéra monté
avec luxe, les artistes remarquables; et le roi, presque toujours debout à
l'orchestre près de la rampe, la lorgnette braquée sur le théâtre, donnait
l'exemple d'un dilettantisme infatigable.
On sait tous les éloges que Voltaire, dans les premiers temps de son
installation à Berlin, donnait aux splendeurs de la cour du Salomon du
Nord. Dédaigné par Louis XV, négligé par sa protectrice madame de
Pompadour, persécuté par la plèbe des jésuites, sifflé au
Théâtre-Français, il était venu chercher, dans un jour de dépit, des
honneurs, des appointements, un titre de chambellan, un grand cordon
et l'intimité d'un roi philosophe, plus flatteuse à ses yeux que le reste.
Comme un grand enfant, le grand Voltaire boudait la France, et croyait
faire _crever de dépit_ ses ingrats compatriotes. Il était donc un peu
enivré de sa nouvelle gloire lorsqu'il écrivait à ses amis que Berlin
valait bien Versailles, que l'opéra de _Phaéton_ était le plus beau
spectacle qu'on pût voir, et que la prima donna avait la plus belle voix
de l'Europe.
Cependant, à l'époque où nous reprenons notre récit (et, pour ne pas
faire travailler l'esprit de nos lectrices, nous les avertirons qu'un an s'est

presque écoulé depuis les dernières aventures de Consuelo), l'hiver se
faisant sentir dans toute sa rigueur à Berlin, et le grand roi s'étant un
peu
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