La carrosse aux deux lézards verts

René Boylesve
carrosse aux deux lézards verts,
by René Boylesve

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Title: La carrosse aux deux lézards verts
Author: René Boylesve
Release Date: September 5, 2006 [EBook #19184]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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CARROSSE AUX DEUX LÉZARDS VERTS ***

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RENÉ BOYLESVE

DE L'ACADÉMIE FRANÇAISE
LE CARROSSE AUX DEUX LÉZARDS VERTS
PARIS
CALMANN-LÉVY, ÉDITEURS
1921

A GONZAGUE TRUC
La nature a attaché sa malédiction à l'immobilité.
GOETHE, Conversations.
Ils n'ont pas Virgile, et on les dit heureux parce qu'ils ont des
ascenseurs.
ANATOLE FRANCE, Le Jardin d'Epicure.

I
UNE ESPECE DE DISSERTATION LITTÉRAIRE SUR LA
MEILLEURE MANIÈRE DE TRAITER LE SUJET
Mes lecteurs, j'aimerais mieux bavarder avec vous sans faire d'embarras,
que de vous laisser tomber, comme la manne, du haut des cieux, un
récit qui n'aura peut-être aucun goût, mais se donnera des airs d'avoir
été composé par un être sans âge, sans sexe, insoumis aux lois de la
pesanteur et de la vie, et écrivant à la façon de Moïse, sous la dictée de
l'Éternel.
Car enfin, si un auteur ne cause pas tout simplement, c'est bien cette
attitude surhumaine qu'il se donne. Je sais qu'il y a encore aujourd'hui
nombre de gens à qui il ne répugne pas de se laisser duper par une

autorité prétendue; mais comment se fait-il que les mêmes soient
acharnés, lorsqu'ils ont lu un livre, à obtenir mille renseignements sur la
personne de l'écrivain? Ce n'est pas la peine que celui-ci se soit fait
passer pour un grand-prêtre, un initié, un inspiré, si tout aussitôt il doit
vous communiquer son état civil, sa photographie, le menu de son
repas, l'aveu de sa fleur préférée. Jeu cruel, qui consiste à se faire d'un
homme, durant une heure ou deux, l'image d'une espèce de demi-dieu,
et puis à le rabaisser soudain, voire à se délecter de ses petitesses!
La vérité est qu'il y a des hommes très grands qui sont plus simples que
le premier venu. Les pensées profondes, la haute sagesse, les riches
constructions de l'imagination sont l'apanage de bonshommes qui
ressemblent à tout le monde, et vivent comme vous et moi.
Méfiez-vous de ceux qui donnent à leur vie une tournure extravagante:
ce sont probablement des farceurs, de creux comédiens avides de
leurrer l'âme crédule, et qui se dégonflent un beau matin, comme des
ballons remplis de vent. Souvenez-vous que Corneille portait de fort
mauvaises chaussures, que Racine fut bourgeoisement le père d'une
nombreuse famille, et Stendhal un petit consul ennuyé, à
Civita-Vecchia.
Nous n'écrivons pas dans les nuages. Un ange n'est point apparu pour
me dire: «Prends ta plume et écris aux amateurs éclairés qui, depuis
vingt-cinq ans, supportent la lecture de tes livres dénués d'intrigues et
finissant mal.»
Non. Voici comment les choses se sont passées.
Je réfléchissais à un sujet de conte, choisi parmi ceux qui se rapportent
le plus possible au temps présent,--on ne croit guère qu'aux aventures
du temps présent, je ne sais pas pourquoi,--lorsqu'on vint m'annoncer la
visite d'un jeune homme tout à fait moderne. Il venait me confesser
qu'ayant jusqu'ici ignoré mes ouvrages, sous prétexte qu'il me tenait
pour un Monsieur «arrivé»,--il paraît qu'il est tout à fait superflu de
connaître les auteurs qui se sont fait une réputation,--il avait été poussé
à les lire par le mal extrême que l'on en disait, et, comme il était loyal,
il désirait m'avouer que mes livres l'avaient touché; seulement, et avec
beaucoup de politesse et un entrain endiablé, il m'exprima aussi son

regret sincère que je n'eusse point coutume de traiter des sujets plus
actuels. «Qu'appelez-vous donc un sujet «actuel»? lui
demandai-je.--Comment! monsieur, dit-il, mais le monde est renouvelé
par les découvertes scientifiques...», etc. Et le voilà à m'énumérer les
dernières merveilles: avions, torpilles, sous-marins, sans-fil, et les gaz
asphyxiants récompensés par le prix Nobel. Bref, le roman, par
exemple, des «Ondes hertziennes» traité par l'auteur de La jeune fille
bien élevée, lui paraissait désirable. Je trouvais ce jeune homme
charmant; il était intelligent, informé, piqué par le goût de l'innovation,
ce qui n'est pas pour me déplaire; et, évidemment, seule lui échappait
une expérience prolongée de la littérature. Je songeais: «A-t-il de la
chance! D'abord il est très jeune; et il attache à une découverte
scientifique l'importance que je donnais, de mon
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