La Tosca | Page 4

Victorien Sardou
balanc�� entre l'obligation de l'attendre, puisque sans lui je ne sais que devenir, et la crainte de prolonger ici mon s��jour. Car enfin, si l'��vasion est d��couverte, si Trebelli est arr��t��, s'il parle...
MARIO.--S'il ��tait arr��t��, vous le seriez aussi; car de gr�� ou de force, il aurait tout dit!... Et, si votre fuite ��tait connue, le canon du chateau Saint-Ange l'aurait appris �� toute la ville, en donnant le signal d'en fermer les portes...
ANGELOTTI.--Ce qui me rassure, en effet, c'est de ne l'avoir pas entendu. Mais l'absence de cet homme...
MARIO.--Un retard que le moindre accident peut motiver et qui n'a rien de bien effrayant. Attendons ici patiemment que le jour baisse. Aucun asile n'est plus s?r pour vous que cette ��glise d��serte... D'ailleurs vous ne sortirez pas de ce c?t��, sous votre d��guisement, sans attirer l'attention des comm��res qui tricotent sur le pas de leurs portes, des enfants, des joueurs de boules qui sont l�� sur la place. Tandis qu'�� la r��ouverture de l'��glise, vous pourrez sortir franchement par la grande porte, et, dans le va-et-vient des d��votes, personne ne prendra garde �� une de plus. Si, �� cette heure-l��, Trebelli ne s'est pas encore montr��, je me charge du reste.
ANGELOTTI.--Ah! quel homme vous ��tes!... Ce qui aie fache, c'est l'inqui��tude de ma pauvre soeur qui m'attend.
MARIO.--Et qu'on ne saurait pr��venir, malheureusement. Mais je m'explique sa pr��sence hier dans cette ��glise.
ANGELOTTI.--Vous l'avez vue?
MARIO.--Assez pour fixer sur cette toile le souvenir de sa merveilleuse beaut��.
ANGELOTTI, =regardant=.--En effet!...
MARIO.--Oh! une simple esquisse.
ANGELOTTI, =regardant le tableau.=--C'est bien le ton dor�� de ses cheveux, et ses grands yeux bleus si doux... Ah! ma ch��re Giulia! Quel d��vouement. Pensez que depuis un an elle me dispute �� la mort. Mais la tendresse d'une femme est moins puissante que la haine d'une autre.
MARIO.--Ah! C'est l�� votre fait?...
ANGELOTTI.--Et par ma faute... Il y a une vingtaine d'ann��es, j'��tais �� Londres, uniquement soucieux alors de mes plaisirs... Un soir, au Waux-Hall, je fus accost�� par une de ces cr��atures qui r?dent, �� la nuit, dans ces jardins publics, en qu��te d'un souper. Celle-l�� ��tait prodigieusement belle. Notre liaison dura huit jours; puis je partis, ne gardant de cette aventure que le souvenir, qu'elle m��ritait. Des ann��es se passent: mon p��re meurt, et le partage de ses biens me fait propri��taire de terres consid��rables dans les environs de Naples, et, par suite, habitant de cette ville. J'y arrive un jour apr��s une assez longue absence. Le prince Pepoli chez oui je d?ne, me dit: ?Venez ?a que je vous pr��sente �� l'ambassadeur d'Angleterre, sir Hamilton, et �� sa d��licieuse femme qui r��volutionne ici toutes les t��tes.? Et dans lady Hamilton, jugez de ma stupeur!... je reconnais ma facile conqu��te du Waux-Hall...
MARIO.--Eh! oui. Emma Lyon, bonne d'enfants �� ses d��buts, puis servante de taverne, mod��le, fille publique, etc... et finalement, ambassadrice du Royaume-Uni d'Angleterre.
ANGELOTTI.--Je dissimule en vain ma surprise. Lady Hamilton n'est pas femme �� s'y m��prendre. Elle se sent reconnue. A table, on m'a fait l'honneur de m'asseoir �� sa droite. Mais un autre convive, La Haine, s'y place entre nous... Et j'ai la folie de la braver... L'Hamilton n'��tait pas alors, comme aujourd'hui, la vraie souveraine de Naples, par l'empire qu'elle a su prendre sur Marie-Caroline, son amie, sur l'amiral Nelson, son amant, protecteur du Royaume!... Mais elle avait assez de cr��dit d��j��, pour exciter la cour �� toutes les rigueurs contre les Napolitains suspects, comme moi, de pactiser avec l'id��e r��volutionnaire. Irrit�� de la voir hostile, pour nous, jusqu'�� la cruaut��, je m'oubliai �� dire publiquement en quel lieu j'avais connu cette aventuri��re. Deux jours apr��s, ma maison ��tait envahie, mes papiers saisis, fouill��s... Rien! Mais dans ma biblioth��que, deux volumes de Voltaire qu'une main perfide y avait gliss��s �� mon insu, et par quel ordre?... ai-je besoin de vous le dire? Or le d��cret royal ��tait formel. Pour tout possesseur d'un seul ouvrage de Voltaire,... trois ans de gal��re!...
MARIO.--Et vous avez fait?...
ANGELOTTI.--Mes trois ans!
MARIO.--Ah! grand Dieu!
ANGELOTTI.--Apr��s quoi, exil��, ruin��, tous mes biens ��tant confisqu��s par la couronne, je quittai Naples, o�� je ne rentrai qu'�� la suite de Championnet. Au retour de l'arm��e royale, je r��ussis �� gagner Rome, tandis qu'�� Naples, les patriotes, mes amis, ��taient ��cartel��s, aveugl��s, mutil��s, br?l��s vifs par la canaille napolitaine, qui se r��galait de leur chair grill��e, et dans la campagne, traqu��s par les san-f��distes �� la solde d'un Fra-Diavolo ou d'un Mammone, ce monstre qui troue la gorge de ses prisonniers, et qui boit leur sang!... Mais, quand la garnison fran?aise dut c��der Rome aux troupes; napolitaines, arr��t�� au m��pris de la capitulation et jet�� dans, un cachot du chateau Saint-Ange, j'y suis oubli�� depuis un an grace �� ma soeur. Le prince d'Aragon, gouverneur de Rome pour le roi, n'est pas un m��chant homme, et se pr��tait �� cet
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