La Maison

Henry Bordeaux
La Maison, by Henry Bordeaux

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Title: La Maison
Author: Henry Bordeaux
Release Date: June 19, 2004 [EBook #12646]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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MAISON ***

Produced by Walter Debeuf

LA MAISON
Henry Bordeaux.
eorum memoriae qui domum et aedificaverunt et salvam servaverunt
sacrum

LIVRE PREMIER
I
LE ROYAUME
--Où vas-tu?
--A la maison.
Ainsi répondent les petits garçons et les petites filles qu'on rencontre
sur les chemins, sortant de l'école ou revenant des champs. Ils ont des
yeux clairs et luisants comme l'herbe après la pluie, et leur parole, s'ils
ne sont pas effarouchés, pousse toute droite, à la manière des plantes
qui disposent de l'espace et ne sont pas gênées dans leur croissance.
--Où vas-tu?
Ils ne disent pas «Nous rentrons chez nous.» Et pas davantage «Nous
allons à notre maison.» Ils disent la maison. Quelquefois, c'est une
mauvaise bicoque à moitié par terre. Mais tout de même c'est la maison.
Il n'y en a qu'une au monde. Plus tard, il y en aura d'autres, et encore
n'est-ce pas bien sûr.
Et même de jeunes hommes et de jeunes femmes, et des personnes
d'âge, et des gens mariés, s'il vous plaît, se servent encore de cette
expression. A la maison, on faisait comme ci, à la maison, il y avait
cela. On croirait qu'ils désignent leur propre foyer. Pas du tout: ils
parlent de la maison de leur enfance, de la maison de leurs père et mère
qu'ils n'ont pas toujours su garder ou dont ils ont changé les habitudes,
et c'est tout comme, mais qui est immuable dans leur souvenir. Vous
voyez bien qu'il n'y en a pas deux...
J'étais alors un collégien, oh! rien qu'un débutant de collège, sept ou
huit ans peut-être, sept ou huit ans je crois. Et je disais la maison,
comme on dit au lieu de la France la patrie. Cependant je n'ignorais pas
qu'on lui donnait d'autres noms qui pouvaient retentir avec un son plus

riche aux oreilles d'un enfant. Une nourrice italienne, engagée pour le
dernier-né, l'appelait il palazzio, en arrondissant la bouche sur le second
a pour susurrer ensuite avec une douceur mourante la dernière syllabe.
Le fermier qui apportait le cens, ou seulement un acompte, ou
seulement quelque volaille pour inviter le maître à être patient,
prononçait le château, avec plusieurs accents circonflexes. Une dame,
venue en visite, et qui était de Paris, --on reconnaissait bien qu'elle était
de Paris au face-à-main dont elle se servait, --avait solennellement
proclamé votre hôtel. Et pendant la crise que je raconterai, quand on
suspendit à la grille un écriteau déshonorant, on pouvait lire sur
l'inscription Villa à vendre. Villa, hôtel, château, palais, comme tous
ces termes majestueux, malgré leur prestige, sont incolores! A quoi bon
emberlificoter la vérité? La maison, cela suffit. La maison, cela dit tout.
Elle vit toujours: elle en a une longue habitude. Vous n'auriez pas de
peine à la trouver: dans tout le pays on l'appelle la maison Rambert,
parce que notre famille l'a toujours habitée. Et même on l'a réparée
avec soin, avec trop de soin, de la cave au grenier, rajustée et rafistolée,
recrépie et revernie à l'intérieur et à l'extérieur. Sans doute on ne peut
pas les laisser éternellement s'effriter, et la vétusté des habitations ne se
revêt de poésie que pour les visiteurs de passage. Le train ordinaire des
jours a ses exigences. Mais on ne tient guère à la jeunesse de sa maison,
pas plus, en somme, qu'on ne tient à celle de ses parents. Jeunes, ils
sont moins à nous, ils sont encore à eux-mêmes, ils ont droit à une
existence particulière, tandis que, plus tard, notre vie est leur vie, et
c'est tout ce que nous demandons, car nous ne sommes pas difficiles.
Avant qu'on ne l'eût restaurée, je l'ai montrée à une dame, à une dame
de Paris comme celle du face-à-main. Il est probable, il est
vraisemblable, il est certain que je la lui avais excessivement vantée. Ni
les accents circonflexes du fermier, ni l'éclat et la douceur mourante de
la nourrice italienne n'avaient dû manquer à ma description. Elle
pouvait s'attendre à Versailles ou tout au moins à Chantilly. Or, quand
je la conduisis, dûment stylée, exaltée et mise au point, devant
l'immeuble incomparable, elle osa me demander sur un ton de surprise
«Est-ce bien ça?» Je compris son désappointement. Je l'ai
raccompagnée avec politesse jusqu'à sa voiture, --même dans la colère

on a des
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