La Main Gauche

Guy de Maupassant
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La Main Gauche, by Guy de Maupassant

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Title: La Main Gauche
Author: Guy de Maupassant
Release Date: March 7, 2004 [EBook #11495]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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GUY DE MAUPASSANT
La Main Gauche
1889

ALLOUMA
I
Un de mes amis m'avait dit: Si tu passes par hasard aux environs de Bordj-Ebbaba, pendant ton voyage en Algérie, va donc voir mon ancien camarade Auballe, qui est colon là-bas.
J'avais oublié le nom d'Auballe et le nom d'Ebbaba et je ne songeais guère à ce colon, quand j'arrivai chez lui, par pur hasard. Depuis un mois je r?dais à pied par toute cette région magnifique qui s'étend d'Alger à Cherchell, Orléansville et Tiaret. Elle est en même temps boisée et nue, grande et intime. On rencontre, entre deux monts, des forêts de pins profondes en des vallées étroites où roulent des torrents en hiver. Des arbres énormes tombés sur le ravin servent de pont aux Arabes, et aussi aux lianes qui s'enroulent aux troncs morts et les parent d'une vie nouvelle. Il y a des creux, et des plis inconnus de montagne, d'une beauté terrifiante, et des bords de ruisselets, plats et couverts de lauriers-roses, d'une inimaginable grace.
Mais ce qui m'a laissé au coeur les plus chers souvenirs en cette excursion, ce sont les marches de l'après-midi le long des chemins un peu boisés sur ces ondulations des c?tes d'où l'on domine un immense pays onduleux et roux depuis la mer bleuatre jusqu'à la cha?ne de l'Ouarsenis qui porte sur ses fa?tes la forêt de cèdres de Teniet-el-Haad.
Ce jour-là je m'égarai. Je venais de gravir un sommet, d'où j'avais aper?u, au-dessus d'une série de collines, la longue plaine de la Mitidja, puis par derrière, sur la crête d'une autre cha?ne, dans un lointain presque invisible, l'étrange monument qu'on nomme le Tombeau de la Chrétienne, sépulture d'une famille de rois de Mauritanie, dit-on. Je redescendais, allant vers le Sud, découvrant devant moi jusqu'aux cimes dressées sur le ciel clair, au seuil du désert, une contrée bosselée, soulevée et fauve, fauve comme si toutes ces collines étaient recouvertes de peaux de lion cousues ensemble. Quelquefois, au milieu d'elles, une bosse plus haute se dressait, pointue et jaune, pareille au dos broussailleux d'un chameau.
J'allais à pas rapides, léger, comme on l'est en suivant les sentiers tortueux sur les pentes d'une montagne. Rien ne pèse, en ces courses alertes dans l'air vif des hauteurs, rien ne pèse, ni le corps, ni le coeur, ni les pensées, ni même les soucis. Je n'avais plus rien en moi, ce jour-là, de tout ce qui écrase et torture notre vie, rien que la joie de cette descente. Au loin, j'apercevais des campements arabes, tentes brunes, pointues, accrochées au sol comme les coquilles de mer sur les rochers, ou bien des gourbis, huttes de branches d'où sortait une fumée grise. Des formes blanches, hommes ou femmes, erraient autour à pas lents; et les clochettes des troupeaux tintaient vaguement dans l'air du soir.
Les arbousiers sur ma route se penchaient, étrangement chargés de leurs fruits de pourpre qu'ils répandaient dans le chemin. Ils avaient l'air d'arbres martyrs d'où coulait une sueur sanglante, car au bout de chaque branchette pendait une graine rouge comme une goutte de sang.
Le sol, autour d'eux, était couvert de cette pluie suppliciale, et le pied écrasant les arbouses laissait par terre des traces de meurtre. Parfois, d'un bond, en passant, je cueillais les plus m?res pour les manger.
Tous les vallons à présent se remplissaient d'une vapeur blonde qui s'élevait lentement comme la buée des flancs d'un boeuf; et sur la cha?ne des monts qui fermaient l'horizon, à la frontière du Sahara flamboyait un ciel de Missel. De longues tra?nées d'or alternaient avec des tra?nées de sang--encore du sang! du sang et de l'or, toute l'histoire humaine--et parfois entre elles s'ouvrait une trouée mince sur un azur verdatre, infiniment lointain comme le rêve.
Oh! que j'étais loin, que j'étais loin de toutes les choses et de toutes les gens dont on s'occupe autour des boulevards, loin de moi-même aussi, devenu une sorte d'être errant, sans conscience, et sans pensée, un oeil qui passe, qui voit, qui aime voir, loin encore de ma route à laquelle je ne songeais plus, car aux approches de la nuit je m'aper?us que j'étais perdu.
L'ombre tombait sur là terre comme une averse
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