La Belle-Nivernaise: Histoire dun vieux bateau et de son équipage

Alphonse Daudet
La Belle-Nivernaise: Histoire
d'un vieux bateau et de son
équipage

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vieux
bateau et de son équipage, by Alphonse Daudet This eBook is for the
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Title: La Belle-Nivernaise: Histoire d'un vieux bateau et de son
équipage Also contains: Légendes et récits: Jarjaille chez le bon Dieu;
La figue et le paresseux; Premier habit; Les trois messes basses; Le
nouveau maitre
Author: Alphonse Daudet
Release Date: March 22, 2004 [EBook #11650] [Date last updated:
September 14, 2004]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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BELLE-NIVERNAISE ***

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ALPHONSE DAUDET
LA BELLE-NIVERNAISE
Histoire d'un vieux bateau et de son équipage

CHAPITRE I
UN COUP DE TÊTE
La rue des Enfants-Rouges, au quartier du Temple.
Une rue étroite comme un égout, des ruisseaux stagnants, des flaques
de boue noire, des odeurs de moisi et d'eau sale sortant des allées
béantes.
De chaque côté, des maisons très hautes, avec des fenêtres de casernes,
des vitres troubles, sans rideaux, des maisons de journaliers, d'ouvriers
en chambre, des hôtels de maçons et des garnis à la nuit.
Au rez-de-chaussée, des boutiques. Beaucoup de charcutiers, de
marchands de marrons; des boulangeries de gros pain, une boucherie de
viandes violettes et jaunes.
Pas d'équipages dans la rue, de falbalas, ni de flâneurs sur les
trottoirs,--mais des marchands de quatre saisons criant le rebut des
Halles, et une bousculade d'ouvriers sortant des fabriques, la blouse
roulée sous le bras.

C'est le huit du mois, jour ou les pauvres payent leur terme, où les
propriétaires, las d'attendre, mettent la misère à la porte.
C'est le jour où l'on voit passer dans des carrioles des déménagements
de lits de fer et de tables boiteuses, entassés les pieds en l'air, avec les
matelas éventrés et la batterie de cuisine.
Et pas même une botte de paille pour emballer tous ces pauvres
meubles estropiés, douloureux, las de dégringoler les escaliers crasseux
et de rouler des greniers aux caves!
La nuit tombe.
Un à un les becs de gaz s'allument, reflétés dans les ruisseaux et dans
les devantures de boutiques.
Le brouillard est froid.
Les passants se hâtent.
Adossé au comptoir d'un marchand de vin, dans une bonne salle bien
chauffée, le père Louveau trinque avec un menuisier de la Villette.
Son énorme figure de marinier honnête, toute rougeaude et couturée,
s'épanouit dans un large rire qui secoue ses boucles d'oreilles.
«Affaire conclue, père Dubac, vous m'achetez mon chargement de bois
au prix que j'ai dit.
--Topez là.
--A votre santé!
--A la vôtre!»
On choque les verres, et le père Louveau boit, la tête renversée, les
yeux mi-clos, claquant la langue, pour déguster son vin blanc.
Que voulez-vous! personne n'est parfait, et le faible du père Louveau,

c'est le vin blanc. Ce n'est pas que ce soit un ivrogne.--Dieu non!--La
ménagère, qui est une femme de tête, ne tolérerait pas la ribote; mais
quand un vit comme le marinier, les pieds dans l'eau, le crâne au soleil,
il faut bien avaler un verre de temps en temps.
Et le père Louveau, de plus en plus gai, sourit au comptoir de zinc qu'il
aperçoit au travers d'un brouillard et qui le fait songer à la pile d'écus
qu'il empochera demain en livrant son bois.
Une dernière poignée de main, un dernier petit verre et l'on se sépare.
«A demain, sans faute?
--Comptez sur moi.»
Pour sûr il ne manquera pas le rendez-vous, le père Louveau. Le
marché est trop beau, il a été trop rondement mené pour qu'on traînasse.
Et le joyeux marinier descend vers la Seine, roulant les épaules,
bousculant les couples, avec la joie débordante d'un écolier qui rapporte
un bon point dans sa poche.
Qu'est-ce qu'elle dira la mère Louveau,--la femme de tête,--quand elle
saura que son homme a vendu le bois du premier coup, et que l'affaire
est bonne?
Encore un ou deux marchés comme celui-là et on pourra se payer un
bateau neuf, planter là la Belle-Nivernaise qui commence à faire par
trop d'eau.
Ce n'est pas un reproche, car c'était un fier bateau dans sa jeunesse;
seulement voilà, tout pourrit, tout vieillit, et le père Louveau lui-même
sent bien qu'il n'est plus aussi ingambe que dans le temps où il était
«petit derrière» sur les flotteurs de la Marne.
Mais qu'est-ce qui se passe là-bas?
Les commères s'assemblent devant une porte; on s'arrête, on cause et le
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