LA. B. C. du libertaire | Page 3

Jules Lermina
de conséquences inéluctables.
* * *
Si tu m'as bien compris, cher Camarade, tu vois déjà poindre la lumière; tu commences à savoir que ton premier effort, le plus utile de tous, doit être de rejeter tous les dogmes sociaux dont ta mémoire et te conscience sont encombrés.
Aie d'abord la notion de l'insoumission aux maximes banales, aux préceptes qui n'ont de la vérité que l'apparence menteuse.
Délivre-toi de toute croyance irraisonnée, de toute foi. Quelle que soit l'idée qui est émise devant toi, quelque affirmation péremptoire, quelque impératif catégorique que tu lises dans les livres, ne t'arrête ni à l'autorité de la tradition ni à la prétendue valeur d'un mot ou d'un nom.
Prends le dogme et regarde-le de près; et toujours tu le verras s'amoindrir, s'effriter comme une pelote de neige que pressent les doigts d'un enfant.
Ainsi du dogme de Dieu, encore aujourd'hui le plus vivace. En la majorité, on pourrait presque dire en l'unanimité de ceux qui s'intitulent libres penseurs, cette idée est si profondément imprimée que, se déclarant incrédules à tous les mystères, dédaigneux de tous les rites, opposés à toutes les manifestations religieuses, ils émettent, dès qu'on les presse dans leurs derniers retranchements, cette restriction qu'ils n'admettent rien, mais qu'ils ne nient pas expressément l'existence de Dieu.
Ils ne comprennent pas que cette simple acceptation suffit aux exploiteurs de religions. Car Dieu, c'est l'autorité, c'est la hiérarchie, c'est la nécessité de la prière, c'est le temple, c'est le prêtre.
On ne crée pas un dieu de fantaisie, perdu dans les brumes de l'inconnaissable, pour ne point, très promptement, chercher à le rapprocher de soi. Bien vite, on parlera de sa bonté, de sa justice, et comme tout autour de nous n'est que déséquilibre et injustice, le pas sera vite franchi vers des compensations paradisiaques tenues en réserve par son infinie miséricorde.
Et toujours cette antienne:
Dites tout ce que vous voudrez, l'idée de Dieu est nécessaire.
En effet, elle est nécessaire pour tous ceux qui n'ont pas le courage d'envisager la situation réelle, à savoir que nous sommes le produit d'une évolution cosmique dont le secret jusqu'ici nous échappe, mais qu'en même temps, il est un fait certain, positif, c'est que, dans la mesure de nos forces, la terre nous appartient et que notre devoir est de tirer le meilleur profit possible de l'habitat qui nous a été dévolu, de le transformer, par l'emploi de toutes nos énergies vitales, en un séjour de bien-être et de moindre souffrance possible.
Si tu te places à ce point de vue, le seul digne de ta raison, immédiatement s'éloigne et s'efface l'idée de Dieu.
En quoi un Dieu nous est-il nécessaire pour que nous défrichions la terre, pour que nous développions ses productions, pour que la vie devienne meilleure et plus facile?
Nous sommes en possession d'un appareil qui, en vertu de certaines dispositions constitutives, peut fournir à nos besoins, et au-delà. Nous constatons scientifiquement que rien ne s'obtient sans travail; nous savons que si l'homme ne fait effort, la terre reste inculte et cruelle à ses fils. Elle les empoisonne par ses méphitismes, elle les écrase sous ses écroulements, elle leur refuse le fruit de son sein qu'il faut violer pour qu'il nous réconforte.
Où intervient Dieu en cela?
On nous dira qu'il est la force latente. Alors, cette force ne s'exer?ant, en dehors du travail de l'homme, que pour produire la peste ou la famine, avouez toutefois qu'il n'est aucun motif de le vénérer.
Oui, cette force existe, c'est la poussée vitale. Nous la constatons, mais en quoi est-il nécessaire de l'adorer, puisque nous avons à la diriger et à l'améliorer. Il nous faut l'étudier en ses effets, en ses causes immédiates et la contraindre à donner le maximum de résultats qu'elle contient en elle-même.
Dieu te sert-il en ce labeur? En es-tu à croire que des prières amènent la pluie et qu'un quartier de roc s'écarte parce que tu le barres d'un signe de croix? Tu sais bien que les prétendus miracles sont autant de mensonges et à mesure que l'instruction se répand, à mesure que dispara?t la folie du mysticisme, pas un fait ne se produit qui soit contraire aux lois de la gravitation ou des transformations chimiques.
Dieu est-il nécessaire pour que le blé pousse? Quand nous a-t-il prêté son aide pour détourner un torrent? Où est sa part dans la construction des chemins de fer, des paquebots ou des appareils télégraphiques?
Est-ce que, dans les actes quotidiens de la vie, tu éprouves la nécessité de l'existence d'un Dieu? Tu vis sans lui et en dehors de lui, et n'y songerais jamais si certains n'avaient intérêt à sans cesse te rappeler son nom et à affirmer son existence.
Et ceux-là sont les exploiteurs de tes faiblesses et de tes lachetés.
Oui, Dieu est nécessaire pour établir le dogme de l'autorité et de la hiérarchie. C'est sur l'idée de son existence qu'est basée toute l'organisation
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