Henriette

Francois Coppée
Henriette

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Title: Henriette
Author: François Coppée
Release Date: August 9, 2005 [EBook #16499]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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HENRIETTE ***

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FRANÇOIS COPPÉE
Henriette
[Illustration]
PARIS ALPHONSE LEMERRE, ÉDITEUR 23-31, PASSAGE

CHOISEUL, 23-31
M DCCC LXXXIX
_A mon cher biographe et ami M. DE LESCURE je dédie bien
affectueusement cette simple histoire._
F.C.
[Illustration]

HENRIETTE

I
Quand le curé eut donné l'absoute et quand les amis et connaissances
du défunt, sortis les premiers de l'église après avoir jeté l'eau bénite, se
furent formés en petits groupes sur la place Saint-Thomas d'Aquin, des
conversations s'engagèrent entre ces hommes du monde, heureux de
respirer l'air vif, au clair soleil de mars, après l'ennui d'une messe
interminable, dans l'atmosphère suffocante de l'encens et du calorifère.
--Ce pauvre Bernard... C'est dur, tout de même... Boucler sa malle à
quarante-deux ans!
--Sans doute. Mais il ne s'est pas assez ménagé, convenez-en. En voilà
un qui aura fait la fête, hein!...
--Et dit souvent: «J'en donne», à l'écarté.
--Et usé le tapis de l'escalier de Bignon.
--Il y a eu de l'albuminerie dans son affaire, n'est-ce pas?
--Une vie brûlée, quoi!... Le jeu, les femmes, la bonne chère...
L'équipage du diable... Est-ce qu'il n'était pas un peu ruiné?

--Pas du tout. Il venait encore de réaliser une vieille tante de cinq à six
cent mille francs. Il doit, au contraire, laisser à sa veuve et à son fils
une très jolie fortune.
--Alors, la belle madame Bernard se remariera.
--Qui sait? Peut-être pas, à cause du petit. Il paraît qu'elle adore son fils.
En somme, on regrettait peu ce mort de première classe, porté en terre
avec tout le luxe dont sont capables les Pompes funèbres: messe
chantée, fleurs de Nice, torchères à flamme verte autour du catafalque.
Et le plus beau maître des cérémonies! Oh! un gaillard superbe, avec
l'air de morgue et les favoris blancs d'un vieux pair d'Angleterre, un
homme précieux que l'administration ne sortait que dans les grands
jours et qui avait joué autrefois les pères-nobles en province, s'il vous
plaît! Mais, malgré tout cet apparat, le défunt, M. Bernard des Vignes,
député et membre du conseil général de la Mayenne, ancien officier de
cavalerie, chevalier de la Légion d'honneur, etc., était traité selon ses
mérites dans les entretiens échangés à voix basse, derrière les mains
gantées de noir.
Et, de fait, il n'avait été qu'un viveur vulgaire, sans grâce, sans élégance,
resté provincial malgré ses quinze ans de Paris. Rien de plus banal que
son histoire. Riche, il épousait à vingt-huit ans la fille d'un sénateur
corse, ami personnel de Napoléon III, l'admirable Mlle Antonini, dont
la beauté de transtévérine faisait alors sensation aux Tuileries et à
Compiègne. Pendant quelque temps, il l'aimait, à sa manière. Puis, tout
à coup, sottement et injustement jaloux de sa femme, il démissionnait
de son grade de lieutenant aux dragons de l'Impératrice, s'enfouissait
dans ses terres, y prenait de lourdes habitudes, ne quittait plus ses
bottes de chasse et fumait sa pipe à table, après le café, en sirotant des
petits verres. Un fils lui naissait, seule consolation de M me Bernard,
bientôt négligée par l'ancien libertin de garnison, qui, après deux ans de
ménage, allait souvent à Paris tirer une bordée de matelot, et qui, dans
ses sorties de chasse, tout en déjeunant d'une rustique omelette sur un
coin de table, prenait la taille des filles de ferme.
Le premier coup de canon de la guerre de 1870 éveilla pourtant un écho

dans l'âme de ce grossier jouisseur et lui rappela qu'il avait été soldat.
Commandant de mobiles, il se battit avec crânerie, attrapa une blessure
et la croix, et, aux élections, fut envoyé à la Chambre par son
département. En grosse bête qu'il était, il suivit les majorités. De
réactionnaire, il devint tour à tour centre droit, centre gauche,
opportuniste, n'ouvrit jamais la bouche que pour demander la clôture,
fut toujours réélu. Mais, contraint par ses fonctions d'habiter Paris, il
lâcha les rênes à son tempérament et se rua dans le plaisir.
M me Bernard fut alors tout à fait abandonnée et ne vit plus que
rarement et à peine, aux heures des repas, ce mari qu'elle n'avait jamais
aimé et qu'à présent elle méprisait. Trop honnête pour se venger, trop
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