Ellénore, Volume II

Sophie Gay
Ellénore, Volume II

The Project Gutenberg EBook of Ellénore, Volume II, by Sophie Gay
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Title: Ellénore, Volume II
Author: Sophie Gay
Release Date: April 10, 2006 [EBook #18142]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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ELLÉNORE, VOLUME II ***

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SOPHIE GAY
ELLÉNORE

II

PARIS MICHEL LÉVY FRÈRES, LIBRAIRES ÉDITEURS RUE
VIVIENNE, 2 BIS, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15 À LA
LIBRAIRIE NOUVELLE
1864

I
En cédant aux nombreuses sollicitations des lecteurs, curieux de savoir
la fin de l'histoire d'Ellénore, de cette vie commencée sous l'influence
de tant d'événements romanesques, de tant de sentiments passionnés, je
ne me dissimule pas l'impossibilité d'en soutenir l'intérêt. Comment le
récit des sensations d'un coeur déjà flétri par de longues souffrances,
des rêves d'une imagination tant de fois déçue aurait-il l'attrait de la
peinture exacte des tourments d'un coeur naïf, ignorant du mal, dupe
par la loyauté, victime par innocence?
Non, les conséquences d'une fausse position dans le monde sont trop
prévues pour avoir le piquant des faits qui l'ont amenée; mais, peut-être
le tableau de la société de cette époque, dont nulle autre ne saurait
donner l'idée, sera-t-il assez attachant pour faire supporter la simplicité
du sujet.
Assez d'historiens plus ou moins vrais, plus ou moins éloquents, se sont
chargés de transmettre à la postérité les grands événements de ce règne
de gloire. Je me borne à constater l'effet qu'ils produisaient sur les
différents salons de Paris, que le deuil de la noblesse, la misère des
anciens riches, la persécution de toutes les célébrités passés et présentes
n'empêchaient pas d'exercer cette influence toute spirituelle qui a été si
longtemps une puissance dans notre pays.
Madame de Staël a donné, dans ses _Considérations sur la révolution
française_, une esquisse de la société de Paris, telle qu'elle était lorsque

«la vigueur de la liberté se réunissait, ainsi qu'elle le dit, à toute la grâce
de la politesse chez les personnes,» et que les hommes du tiers état,
distingués par leurs lumières et leurs talents, se joignaient à ces
gentilshommes plus fiers de leur propre mérite que de leurs anciens
priviléges, dans le temps où les plus hautes questions que l'ordre social
ait jamais fait naître étaient traitées par les hommes les plus capables de
les entendre et de les discuter; mais à cette époque, où sauf la
disposition des esprits, tout était encore à sa place; où l'on discutait sur
les différents partis de l'Assemblée constituante avec la même chaleur
qui animait l'année d'avant les disputes entre les voltairiens et les séides
du citoyen de Genève, la conversation avait conservé cette élégance
aristocratique, cette ironie implacable dont la terreur de l'échafaud, ou
le pouvoir d'un gouvernement tout militaire, devaient seuls triompher.
Alors, les vainqueurs et les vaincus, se faisant une guerre loyale sans se
douter qu'en suivant des routes différentes ils marchaient vers le même
précipice, causaient ensemble avec l'espoir commun de se ramener
réciproquement à leur opinion. Sorte d'illusion qui maintient l'urbanité
dans les discussions et ne leur permet pas d'arriver à ce point
d'éloquence où la vérité l'emporte sur l'intérêt personnel.
Depuis la chute du règne de la guillotine, le bourreau et la victime, se
rencontrant sans cesse dans le même salon, forcés, par des
considérations impérieuses, de se supporter, de se parler même, ils
devaient nécessairement se créer un nouveau langage, de manières qui,
sans manifester le juste ressentiment des uns et la haine des autres,
ôtaient toute idée de conciliation, et donnaient à leurs discours la
rudesse de l'indépendance et à leurs plaisanteries l'amertume de la
satire.
Là devait se perdre ce désir mutuel de se plaire qui engageait autrefois
le causeur à prodiguer toutes les richesses de son esprit pour le seul
bonheur d'être écouté; là devait expirer cette bienveillance intéressée
qui encourage et double les facultés en tous genres.
Là devait finir ce marivaudage galant qui avait longtemps suffi aux
amours de salon; là devait s'évanouir cette gaieté sans sujet qui faisait
l'envie des loustics allemands et de l'humour anglaise.

La gravité politique, la mélancolie shakspearienne s'emparèrent des
jeunes esprits, et il en résulta une opposition entre les nouveaux goûts,
les nouvelles moeurs et l'ancien caractère des Français, qui a duré assez
longtemps pour mériter d'être constatée, et qui peut servir de transition
à la peinture de nos moeurs présentes, si dramatiquement retracées par
nos grands romanciers modernes.
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