Claire de Lune

Guy de Maupassant
Claire de Lune, by Guy de
Maupassant

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Title: Claire de Lune
Author: Guy de Maupassant
Release Date: February 20, 2004 [EBook #11199] [Last modified on
March 29, 2007]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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DE LUNE ***

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CLAIR DE LUNE

PAR
GUY DE MAUPASSANT
* * * * *
PARIS
1884
* * * * *
ILLUSTRATIONS DE
ARCOS--GAMBARD--GRASSET--JEANNIOT--LE
NATUR--ADRIEN MARIE
MERWART--MYRBACH--RENOUARD--ROCHEGROSSE--ROY--
TIRADO

CLAIR DE LUNE
[Illustration de GAMBARD]
Il portait bien son nom de bataille, l'abbé Marignan. C'était un grand
prêtre maigre, fanatique, d'âme toujours exaltée, mais droite. Toutes ses
croyances étaient fixes, sans jamais d'oscillations. Il s'imaginait
sincèrement connaître son Dieu, pénétrer ses desseins, ses volontés, ses
intentions.
Quand il se promenait à grands pas dans l'allée de son petit presbytère
de campagne, quelquefois une interrogation se dressait dans son esprit:
«Pourquoi Dieu a-t-il fait cela?» Et il cherchait obstinément, prenant en
sa pensée la place de Dieu, et il trouvait presque toujours. Ce n'est pas
lui qui eût murmuré dans un élan de pieuse humilité: «Seigneur, vos
desseins sont impénétrables!» ICI se disait: «Je suis le serviteur de
Dieu, je dois connaître ses raisons d'agir, et les deviner si je ne les
connais pas.»

Tout lui paraissait créé dans la nature avec une logique absolue et
admirable. Les «Pourquoi» et les «Parce que» se balançaient toujours.
Les aurores étaient faites pour rendre joyeux les réveils, les jours pour
mûrir les moissons, les pluies pour les arroser, les soirs pour préparer
au sommeil et les nuits sombres pour dormir.
Les quatre saisons correspondaient parfaitement à tous les besoins de
l'agriculture; et jamais le soupçon n'aurait pu venir au prêtre que la
nature n'a point d'intentions et que tout ce qui vit s'est plié, au contraire,
aux dures nécessités des époques, des climats et de la matière.
Mais il haïssait la femme, il la haïssait inconsciemment, et la méprisait
par instinct. Il répétait souvent la parole du Christ: «Femme, qu'y a-t-il
de commun entre vous et moi?» et il ajoutait: «On disait que Dieu
lui-même se sentait mécontent de cette oeuvre-là.» La femme était bien
pour lui l'enfant douze fois impure dont parle le poète. Elle était le
tentateur qui avait entraîné le premier homme et qui continuait toujours
son oeuvre de damnation, l'être faible, dangereux, mystérieusement
troublant. Et plus encore que leur corps de perdition, il haïssait leur
âme aimante.
Souvent il avait senti leur tendresse attachée à lui et, bien qu'il se sût
inattaquable, il s'exaspérait de ce besoin d'aimer qui frémissait toujours
en elles.
Dieu, à son avis, n'avait créé la femme que pour tenter l'homme et
l'éprouver. Il ne fallait approcher d'elle qu'avec des précautions
défensives, et les craintes qu'on a des pièges. Elle était, en effet, toute
pareille à un piège avec ses bras tendus et ses lèvres ouvertes vers
l'homme.
Il n'avait d'indulgence que pour les religieuses que leur voeu rendait
inoffensives; mais il les traitait durement quand même, parce qu'il la
sentait toujours vivante au fond de leur coeur enchaîné, de leur coeur
humilié, cette éternelle tendresse qui venait encore à lui, bien qu'il fût
un prêtre.
Il la sentait dans leurs regards plus mouillés de piété que les regards des

moines, dans leurs extases où leur sexe se mêlait, dans leurs élans
d'amour vers le Christ, qui l'indignaient parce que c'était de l'amour de
femme, de l'amour charnel; il la sentait, cette tendresse maudite, dans
leur docilité même, dans la douceur de leur voix en lui parlant, dans
leurs yeux baissés, et dans leurs larmes résignées quand il les reprenait
avec rudesse.
Et il secouait sa soutane en sortant des portes du couvent, et il s'en allait
en allongeant les jambes comme s'il avait fui devant un danger.
Il avait une nièce qui vivait avec sa mère dans une petite maison
voisine. Il s'acharnait à en faire une soeur de charité.
Elle était jolie, écervelée et moqueuse. Quand l'abbé sermonnait, elle
riait; et quand il se fâchait contre elle, elle l'embrassait avec véhémence,
le serrant contre son coeur, tandis qu'il cherchait involontairement à se
dégager de cette étreinte qui lui faisait goûter cependant une joie douce,
éveillant au fond de lui cette sensation de paternité qui sommeille en
tout homme.
Souvent il lui parlait de Dieu, de son
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