Bruges-la-morte

Georges Rodenbach
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Bruges-la-morte, by Georges Rodenbach

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Title: Bruges-la-morte
Author: Georges Rodenbach
Release Date: February 5, 2005 [EBook #14911]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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Georges Rodenbach
BRUGES-LA-MORTE
(1892)

Table des matières
AVERTISSEMENT I II III IV V VI VII VIII IX X XI XII XIII XIV XV

AVERTISSEMENT
Dans cette étude passionnelle, nous avons voulu aussi et principalement évoquer une Ville, la Ville comme un personnage essentiel, associé aux états d'ame, qui conseille, dissuade, détermine à agir.
Ainsi, dans la réalité, cette Bruges, qu'il nous a plu d'élire, appara?t presque humaine... Un ascendant s'établit d'elle sur ceux qui y séjournent.
Elle les fa?onne selon ses sites et ses cloches.
Voilà ce que nous avons souhaité de suggérer: la Ville orientant une action; ses paysages urbains, non plus seulement comme des toiles de fond, comme des thèmes descriptifs un peu arbitrairement choisis, mais liés à l'événement même du livre.
C'est pourquoi il importe, puisque ces décors de Bruges collaborent aux péripéties, de les reproduire également ici, intercalés entre les pages: quais, rues désertes, vieilles demeures, canaux, béguinage, églises, orfèvrerie du culte, beffroi, afin que ceux qui nous liront subissent aussi la présence et l'influence de la Ville, éprouvent la contagion des eaux mieux voisines, sentent à leur tour l'ombre des hautes tours allongée sur le texte.

I
Le jour déclinait, assombrissant les corridors de la grande demeure silencieuse, mettant des écrans de crêpe aux vitres.
Hugues Viane se disposa à sortir, comme il en avait l'habitude quotidienne à la fin des après-midi. Inoccupé, solitaire, il passait toute la journée dans sa chambre, une vaste pièce au premier étage, dont les fenêtres donnaient sur le quai du Rosaire, au long duquel s'alignait sa maison, mirée dans l'eau.
Il lisait un peu: des revues, de vieux livres; fumait beaucoup; rêvassait à la croisée ouverte par les temps gris, perdu dans ses souvenirs.
Voilà cinq ans qu'il vivait ainsi, depuis qu'il était venu se fixer à Bruges, au lendemain de la mort de sa femme. Cinq ans déjà! Et il se répétait à lui-même: ?Veuf! être veuf! Je suis le veuf!? Mot irrémédiable et bref! d'une seule syllabe, sans écho. Mot impair et qui désigne bien l'être dépareillé.
Pour lui, la séparation avait été terrible: il avait connu l'amour dans le luxe, les loisirs, le voyage, les pays neufs renouvelant l'idylle. Non seulement le délice paisible d'une vie conjugale exemplaire, mais la passion intacte, la fièvre continuée, le baiser à peine assagi, l'accord des ames, distantes et jointes pourtant, comme les quais parallèles d'un canal qui mêle leurs deux reflets.
Dix années de ce bonheur, à peine senties, tant elles avaient passé vite!
Puis, la jeune femme était morte, au seuil de la trentaine, seulement alitée quelques semaines, vite étendue sur ce lit du dernier jour, où il la revoyait à jamais: fanée et blanche comme la cire l'éclairant, celle qu'il avait adorée si belle avec son teint de fleur, ses yeux de prunelle dilatée et noire dans de la nacre, dont l'obscurité contrastait avec ses cheveux, d'un jaune d'ambre, des cheveux qui, déployés, lui couvraient tout le dos, longs et ondulés. Les Vierges des Primitifs ont des toisons pareilles, qui descendent en frissons calmes.
Sur le cadavre gisant, Hugues avait coupé cette gerbe, tressée en longue natte dans les derniers jours de la maladie. N'est-ce pas comme une pitié de la mort? Elle ruine tout, mais laisse intactes les chevelures. Les yeux, les lèvres, tout se brouille et s'effondre. Les cheveux ne se décolorent même pas. C'est en eux seuls qu'on se survit! Et maintenant, depuis les cinq années déjà, la tresse conservée de la morte n'avait guère pali, malgré le sel de tant de larmes.
Le veuf, ce jour-là, revécut plus douloureusement tout son passé, à cause de ces temps gris de novembre où les cloches, dirait-on, sèment dans l'air des poussières de sons, la cendre morte des années.
Il se décida pourtant à sortir, non pour chercher au dehors quelque distraction obligée ou quelque remède à son mal. Il n'en voulait point essayer. Mais il aimait cheminer aux approches du soir et chercher des analogies à son deuil dans de solitaires canaux et d'ecclésiastiques quartiers.
En descendant au rez-de-chaussée de sa demeure, il aper?ut, toutes ouvertes sur le grand corridor blanc, les portes d'ordinaire closes.
Il appela dans le silence sa vieille servante: ?Barbe!... Barbe!...?
Aussit?t la femme apparut dans l'embrasure de la première porte, et devinant pourquoi son ma?tre l'avait hélée:
--Monsieur, f?t-elle, j'ai d? m'occuper des salons
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