Benjamin Constant | Page 2

Hippolyte Castille
beaucoup �� comprendre le coeur de Benjamin Constant.
Mais chez un capitaine de troupes suisses �� la solde ��trang��re, ces principes se doublent d'un positivisme genevois et d'une impassibilit�� de gendarme qui comblent la mesure.
Le p��re de M. Benjamin Constant avait conserv�� le flegme flamand de ses anc��tres. Il y joignait un m��lange d'ironie et de timidit�� qui tu��rent, dans l'ame de son fils, la facilit�� de l'abandon; une des plus pr��cieuses facult��s, en ce qu'elle aide �� supporter la vie et cr��e des sympathies.
L'abandon est comme la grace, un don inestimable, un des pr��cieux joyaux des f��es qu'on nomme l'amabilit��.
Nous l'avons d��j�� vu dans Talleyrand, ces enfants sans m��re et que le caract��re de leur p��re prive des ��panchements du jeune age, atteignent souvent, d��s l'enfance la plus tendre, une d��plorable pr��cocit��. Le p��re et le fils s'observaient. Quelquefois l'��motion les gagnait. Ils ��taient sur le point de se jeter dans les bras l'un de l'autre. Mais le p��re, gourm�� dans sa dignit��, emp��ch�� par cette timidit�� qui envahit quiconque se d��shabitue d'��tre affectueux, attendait que son fils f?t le premier pas. Et le fils, brid�� par l'apparente froideur du p��re, se tenait �� distance.
Tous deux devinrent �� ce commerce contraints, ironiques, r��serv��s dans leurs sentiments et superficiels dans leur langage.
�� douze ans le jeune Benjamin Constant ��tait un petit homme, c'est-��-dire un petit monstre d'esprit, d'impertinence, d'exp��rience, de rectitude dans le style. Son p��re n'��tait pas partisan de l'��ducation de coll��ge. Il lui donna des pr��cepteurs; mais la plupart ��chouaient contre l'indocilit�� de leur ��colier.
L'un d'eux pourtant, c'est M. Benjamin Constant qui l'a rapport��, r��ussit �� lui enseigner quelque chose.
?Il me proposa, dit-il, de nous faire �� nous deux une langue qui ne serait connue que de nous.?
Cette proposition enflamma l'imagination du jeune Benjamin Constant.
On se met �� l'oeuvre et on commence par inventer un alphabet. C'��tait le pr��cepteur qui tra?ait les lettres de la langue nouvelle. Apr��s les lettres vint un dictionnaire. Quel charme de ranger ces mots de son invention sous des lois grammaticales! On apprend vite quand la passion s'en m��le.
Bient?t la langue �� deux, la langue inconnue, se trouva compl��te, riche, color��e, pleine d'une grandeur, d'une magnificence, d'une grace �� faire palir tous les idiomes vulgaires.
Cette langue, c'��tait du grec!
Selon la propre expression de M. Benjamin Constant lui-m��me, son pr��cepteur avait r��ussi �� lui faire apprendre le grec en le lui faisant inventer.
Dans une lettre, fort curieuse, ��crite de Bruxelles, 17 novembre 1779, par le jeune Benjamin Constant �� sa grand'm��re, lettre cit��e par la plupart de ses biographes, la pr��cocit�� dont nous parlions plus haut, appara?t dans toute sa s��cheresse.
La premi��re partie de cette lettre, dans laquelle il reproche �� sa grand'm��re sa paresse d'��crire et l'oubli qu'elle fait de lui, est un chef-d'oeuvre de raison et de sensibilit��. Mais l'arrangement et l'ordre des id��es ont quelque chose de si parfait, qu'on dirait d'une ��p?tre dict��e par un professeur ou par un p��re.
Mais, apr��s avoir continu�� �� l'avenant sur ses ��tudes: qu'il s'accuse de n��gliger, il arrive �� cette phrase: ?Je voudrais qu'on p?t emp��cher mon sang de circuler avec tant de rapidit�� et lui donner une marche plus cadenc��e. J'ai essay�� si la musique pouvait faire cet effet: je joue des adagio et des largo qui endormiraient trente cardinaux.?
Un po?te nerveux, une c��l��brit�� surmen��e par les tiraillements de l'amour-propre, les efforts de l'imagination, les irritations de la lutte, raisonneraient-ils leurs sensations avec plus d'analyse?
Apr��s un trait de grace mani��r��e et d'esprit, car cet enfant a d��j�� de l'esprit; ?je crois, ma ch��re grand'm��re, ajoute-t-il, en parlant de sa l��g��ret��, que le mal est incurable et qu'il r��sistera �� la raison m��me; je devrais en avoir quelque ��tincelle, car j'ai douze ans et quelques jours; cependant je ne m'aper?ois pas de son empire: si son aurore est si faible, que sera-t-elle �� vingt-cinq ans??
Ne le croyait-on pas d��j�� �� la tribune de la Chambre des d��put��s? Voici maintenant l'homme du monde et l'observateur.
?Savez-vous, ma ch��re grand'm��re, que je vais dans le monde deux fois par semaine! J'ai un bel habit, une ��p��e, mon chapeau sous le bras, une main sur la poitrine, l'autre sur la hanche; je me tiens droit et fais le grand gar?on tant que je puis. Je vois, j'��coute, et jusqu'�� ce moment je n'envie pas les plaisirs du grand monde; ils ont tous l'air de ne pas s'aimer beaucoup.
Voici maintenant le joueur.--Je note chaque point de cette lettre, parce que nous retrouverons tout cela chemin faisant, dans l'homme fait, dans le vieillard.
?Cependant, continue-t-il, le jeu et l'or que je vois rouler me causent quelque ��motion; je voudrais en gagner pour mille besoins que l'on traite de fantaisie...?
Cet apprenti, d��j�� si avanc�� des salons du grand monde, fut enlev�� la m��me ann��e �� ses dangereuses contemplations, et plac�� par son p��re
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