Aventures dun Gentilhomme Breton aux iles Philippines | Page 2

Paul de la Gironiere
je les ai beaucoup aimés. Comme personne n'a été mieux placé que moi pour juger leurs rapports de famille, on peut me consulter sur n'importe quel point qui pourrait nuire à la véracité de Don Pablo, ainsi qu'il était nommé.
En lisant ses aventures, bien des personnes pourraient avoir des doutes sur la véracité des incidents, ou supposer qu'il y a de l'exagération ou de la fiction; on pourrait croire qu'un homme qui parle avec tant de sans-gêne est pétri d'amour-propre, défaut qui transforme souvent des événements ordinaires en périls et dangers imaginaires. Si M. de la Gironière e?t été pour moi un étranger, j'avoue que j'aurais eu des doutes: la lecture de son livre m'e?t peut-être laissé une impression d'incrédulité; mais, connaissant son caractère et sa position et ce dont il est capable, je suis prêt à constater les événements. Je suis s?r qu'il donne une histoire fidèle de sa vie à Lu?on; même personnellement je puis dire plusieurs choses qui me sont connues. Tout ce qu'il a raconté des moeurs des habitants est peint avec vérité et précision. Ces détails m'ont fait une impression bien vive, à cause du souvenir de mes jours passés au milieu des montagnes et des broussailles de Jala-Jala.
Don Pablo était un homme remarquable dans cette petite principauté. On dit que la monarchie pure serait la perfection d'un gouvernement, si l'on était s?r que les rois sont les plus intelligents et les plus sages; les sujets placés sous la domination de M. de la Gironière avaient raison d'être satisfaits de son pouvoir despotique, qu'il eut le bon sens d'exercer avec une bienveillance et une justice qui lui attiraient le respect et la confiance d'un peuple qui sait distinguer le mal du bien, et qui craignait plus les reproches que les punitions. Il exer?ait un pouvoir qui lui était indispensable pour vivre parmi ces hommes à demi barbares; il était très-courageux, toujours prêt à braver le danger. Son courage n'était pas bouillant, mais calme. Il ne perdait jamais ce calme ni son sang-froid, même en face de la mort... Il ne parle pas assez de ses mérites, mais il parle souvent de son courage, croyant que tout autre en ferait autant. Les environs de sa demeure étaient peuplés par les hommes les plus féroces, et il s'en inquiétait peu. Quand ils devaient l'attaquer, il allait à leur rencontre, et même dans leurs repaires. Pourtant sa maison ne fut jamais envahie pendant son séjour par les brigands. On le connaissait et l'estimait trop bien pour l'attaquer: mais à peine l'eut-il quittée, que son successeur fut attaqué et pillé. Malgré son grand courage, il était modeste; il avait des manières distinguées et très-bienveillantes; il était bon pour tous ceux qui l'entouraient, et les Indiens qui dépendaient de lui lui étaient très-attachés. Son départ fut un triste jour pour eux.
Dans sa manière de vivre il y avait un charme inou?. On ne peut comprendre comment il a pu quitter un pays où il était libre de ses actions, pour revenir au milieu de la société. Il avait vaincu ce désert et ses sauvages habitants. Quand il a jeté un dernier regard sur le bien-être et les riches cultures qu'il avait créées autour de lui à Jala-Jala, son coeur a d? faiblir. Mais hélas! il était seul, rien ne lui restait de ce qui lui était cher; tous ceux qui l'avaient soutenu au milieu de ses rudes travaux n'étaient plus. Son frère, qu'il aimait tant, succomba le premier; ensuite sa femme et son enfant! Il ne pouvait rester au milieu d'objets qui à chaque instant lui rappelaient tant de douleur. La description des événements extraordinaires de sa vie dans un pays si peu connu et en même temps si ravissant est exacte; et, en attestant que ce sont des faits réels et non des fables, je ne fais que rendre hommage à un digne ami.
G.-R. Russel.
Juin 1854.
Jama?ca-Plaine, près Boston (états-Unis).

CHAPITRE PREMIER.
Naissance de l'auteur.--Premier départ pour l'Inde.--Deuxième, troisième et quatrième voyage.
Mon père, né à Nantes d'une maison noble, était capitaine dans le régiment d'Auvergne. La révolution lui fit perdre son grade et sa fortune; il ne lui resta pour toute ressource que la Planche, petite propriété appartenant à ma mère, et située à deux lieues de Nantes, dans la commune de Vertoux.
Au commencement de l'empire il voulut reprendre du service; mais, à cette époque, son nom et ses sentiments étaient un obstacle, et il échoua dans toutes les tentatives qu'il fit pour obtenir le simple grade de lieutenant.
Sans ressources et presque sans moyens d'existence, il se retira à la Planche avec toute sa famille.
Il y vécut quelques années, dans les ennuis et les chagrins que lui causaient le passage subit de l'opulence à la gêne et l'impossibilité de pourvoir à tous les besoins de sa nombreuse famille. Une maladie de courte
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