Armand Durand | Page 3

Madame Leprohon
ou trois autres rencontres subs��quentes.
Il n'y avait plus aucune n��cessit�� pour M. de Courval d'envoyer chercher Paul, car maintenant celui-ci avait toujours quelque message �� apporter au Manoir, ou quelque question �� faire au seigneur. Il n'y avait pas, non plus, d'obstacles sur sa route, car madame Lubois et son mari ��taient retourn��s �� Montr��al, laissant �� Alonville les enfants et leur gouvernante, �� la demande bienveillante que leur en avait faite M. de Courval dont la vieille intendante, respectable matrone qui occupait dans sa maison un emploi sup��rieur �� celui de domestique, ��tait l�� pour satisfaire les convenances.
Un br?lante apr��s-midi que Paul s'acheminait vers le Manoir, pensant peu au message ostensible dont il ��tait charg��, mais beaucoup �� Genevi��ve Audet, il aper?ut celle-ci assise avec ses ��l��ves sous de grands pins, un peu en dehors du chemin qui conduisait directement �� la maison; et il se dirigea vers eux. Ses allures ��taient lentes, le vert et soyeux gazon ne rendait aucun ��cho sous ses pas, de sort que la petit groupe qui ��tait sous les arbres ne put soup?onner aucunement son approche. Il est probable que, s'il en e?t ��t�� autrement, la sc��ne dont il fut t��moin e?t re?u quelque modification en son d��veloppant. La gouvernante, pale et triste, ��tait assise sur un petit tabouret de jardin, tenant entre ses mains un livre �� demi-ferm��. Son plus jeune ��l��ve ��tait �� c?t�� d'elle, manifestant, par le rire et les regards, sa haute approbation de la conduite rebelle de son a?n�� qui se tenait mena?ant devant la gouvernante et informait celle-ci qu'il n'apprendrait plus rien d'elle, parce que sa m��re avait souvent dit qu'elle ��tait incapable de les instruire, qu'elle ne savait comment diriger ou ��lever les enfants.
Avec une merveilleuse douceur la jeune fille r��pondait que, lors m��me que madame Lubois aurait dit cela, il devait apprendre d'elle et lui ob��ir jusqu'�� ce que sa m��re se f?t procur�� une autre gouvernante, et que le devoir la for?ait d'insister pour qu'il apprit ses le?ons dans lesquelles il ��tait arri��r��.
--C'est votre faute! criait le petit rebelle. Maman dit que nous n'apprendrons jamais rien tant que nous n'aurons pas de pr��cepteur et qu'elle va nous en amener un demain; seulement, elle ne sait que faire de vous. Personne ne vous mariera, car vous n'avez pas de dot.
Paul ��tait d'une tol��rance excessive pour les espi��gleries des enfants. Peu de prairies ��taient aussi envahies que les siennes par les petits voleurs de fraises et peu de pruniers aussi impun��ment d��pouill��s de leurs fruits, et souvent ses voisins le prenaient �� partie parce que sa trop grande indulgence avait un effet d��moralisateur sur la jeunesse du village; mais �� toutes ces remontrances il r��pondait qu'ils ne devaient pas oublier qu'ils avaient ��t�� enfants, eux aussi. Cependant, cette fois, il ferma ses mains avec violence pendant qu'une interjection qu'il vaut mieux ne pas r��p��ter ici s'��chappa de ses l��vres. Craignant de perdre possession de lui-m��me et sachant qu'une intervention de sa part dans la pr��sente affaire serait tr��s pr��judiciable �� mademoiselle Audet elle-m��me, il tourna brusquement dans une ��paisse all��e de sapins; arriv�� au milieu, il se jeta tout de son long sur la pelouse, et prenant son mouchoir, il s'en essuya le front. Il paraissait vivement agit��; mais Paul Durand ne se laissait jamais aller au soliloque, de sort qu'apr��s une demi-heure de r��flexion profonde, il se leva et revint lentement �� l'endroit o�� il avait laiss�� Genevi��ve.
Elle y ��tait encore, les yeux attentivement fix��s vers la terre, et un air plus fatigu��, plus languissant encore que d'habitude r��pandu sur ses petits traits r��guliers. Les voix per?antes des enfants engag��s dans un jeu turbulent retentissaient tout pr��s de l��; mais elle ne paraissait pas les entendre, non plus que Durand, car il l'aborda doucement. Il fut oblig�� de r��p��ter sa salutation d'une voix un peu plus haute; cette fois, elle leva la t��te.
--Je pr��sume, dit-il alors, que je ne dois pas demander �� mademoiselle Audet ce �� quoi elle songeait? ses pens��es paraissaient ��tre bien loin d'ici?
--Oui, elles ��taient en France.
--Oh! sans doute, c'est parce que mademoiselle Genevi��ve y a beaucoup d'amis qu'elle aime tendrement?
--Non, r��pondit-elle avec douceur, je n'en ai plus maintenant.
Il n'y avait rien de sentimental ni d'affect�� dans le calme accent dont elle faisait cette r��ponse, et Paul se mit �� la consid��rer en silence. Les rayons dor��s du soleil, per?ant �� travers les branches des arbres, illuminaient son visage ovale et d��licat, ses grands yeux empreints de douceur, et quoique de sa vie il n'eut jamais lu de romans, il sentit le charme magique de la sc��ne et de la situation aussi vivement que s'il eut parcouru une demi-douzaine de volumes par semaine.
Son examen fut long et minutieux, enveloppant chaque trait, chaque d��tail, m��me les petits doigts effil��s qui retournaient machinalement
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