Anna Karénine, Tome I

Leo Nikoleyevich Tolstoy
Anna Karénine, Tome I

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Title: Anna Karénine, Tome I
Author: Léon Tolstoï
Release Date: January 19, 2006 [EBook #17552]
Language: French
Character set encoding: ISO-8859-1
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KARÉNINE, TOME I ***

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COMTE LÉON TOLSTOÏ
ANNA KARÉNINE

ROMAN TRADUIT DU RUSSE
HUITIÈME ÉDITION
TOME PREMIER
PARIS, LIBRAIRIE HACHETTE ET Cie. 79, BOULEVARD
SAINT-GERMAIN.
1896
* * * * *

ANNA KARÉNINE

PREMIÈRE PARTIE

«Je me suis réservé à la vengeance.» dit le Seigneur.

I
Tous les bonheurs se ressemblent, mais chaque infortune a sa
physionomie particulière.
La maison Oblonsky était bouleversée. La princesse, ayant appris que
son mari entretenait une liaison avec une institutrice française qui
venait d'être congédiée, déclarait ne plus vouloir vivre sous le même
toit que lui. Cette situation se prolongeait et se faisait cruellement sentir
depuis trois jours aux deux époux, ainsi qu'à tous les membres de la
famille, aux domestiques eux-mêmes. Chacun sentait qu'il existait plus
de liens entre des personnes réunies par le hasard dans une auberge,
qu'entre celles qui habitaient en ce moment la maison Oblonsky. La
femme ne quittait pas ses appartements; le mari ne rentrait pas de la

journée; les enfants couraient abandonnés de chambre en chambre;
l'Anglaise s'était querellée avec la femme de charge et venait d'écrire à
une amie de lui chercher une autre place; le cuisinier était sorti la veille
sans permission à l'heure du dîner; la fille de cuisine et le cocher
demandaient leur compte.
Trois jours après la scène qu'il avait eue avec sa femme, le prince
Stépane Arcadiévitch Oblonsky, Stiva, comme on l'appelait dans le
monde, se réveilla à son heure habituelle, huit heures du matin, non pas
dans sa chambre à coucher, mais dans son cabinet de travail sur un
divan de cuir. Il se retourna sur les ressorts de son divan, cherchant à
prolonger son sommeil, entoura son oreiller de ses deux bras, y appuya
sa joue; puis, se redressant tout à coup, il s'assit et ouvrit les yeux.
«Oui, oui, comment était-ce donc pensa-t-il en cherchant à se rappeler
son rêve. Comment était-ce? Oui, Alabine donnait un dîner à Darmstadt;
non, ce n'était pas Darmstadt, mais quelque chose d'américain. Oui,
là-bas, Darmstadt était en Amérique. Alabine donnait un dîner sur des
tables de verre, et les tables chantaient: «Il mio tesoro», c'était même
mieux que «Il mio tesoro», et il y avait là de petites carafes qui étaient
des femmes.»
Les yeux de Stépane Arcadiévitch brillèrent gaiement et il se dit en
souriant: «Oui, c'était agréable, très agréable, mais cela ne se raconte
pas en paroles et ne s'explique même plus clairement quand on est
réveillé.» Et, remarquant un rayon de jour qui pénétrait dans la chambre
par l'entre-bâillement d'un store, il posa les pieds à terre, cherchant
comme d'habitude ses pantoufles de maroquin brodé d'or, cadeau de sa
femme pour son jour de naissance; puis, toujours sous l'empire d'une
habitude de neuf années, il tendit la main sans se lever, pour prendre sa
robe de chambre à la place où elle pendait d'ordinaire. Ce fut alors
seulement qu'il se rappela comment et pourquoi il était dans son cabinet;
le sourire disparut de ses lèvres et il fronça le sourcil. «Ah, ah, ah!»
soupira-t-il en se souvenant de ce qui s'était passé. Et son imagination
lui représenta tous les détails de sa scène avec sa femme et la situation
sans issue où il se trouvait par sa propre faute.
«Non, elle ne pardonnera pas et ne peut pas pardonner. Et ce qu'il y a

de plus terrible, c'est que je suis cause de tout, de tout, et que je ne suis
pas coupable! Voilà le drame. Ah, ah, ah!...» répétait-il dans son
désespoir en se rappelant toutes les impressions pénibles que lui avait
laissées cette scène.
Le plus désagréable avait été le premier moment, quand, rentrant du
spectacle, heureux et content, avec une énorme poire dans la main pour
sa femme, il n'avait pas trouvé celle-ci au salon; étonné, il l'avait
cherchée dans son cabinet et l'avait enfin découverte dans sa chambre à
coucher, tenant entre ses mains le fatal billet qui lui avait tout appris.
Elle, cette Dolly toujours affairée et préoccupée des petits tracas du
ménage, et selon lui si peu perspicace, était assise, le
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